La réindustrialisation constitue aujourd’hui une condition nécessaire au redressement économique et à la reconquête de la souveraineté de la France.
La France fait exception au sein des pays développés par l’ampleur de la désindustrialisation qui a accompagné la mondialisation. En un quart de siècle, l’industrie a chuté de 23 % à 9 % du PIB – soit le même niveau que la Grèce – , alors qu’elle représente 16 % du PIB dans la zone euro, 15 % en Italie et 22 % en Allemagne. En 2023, la production industrielle reste inférieure à son niveau d’avant la pandémie et plafonne à son étiage de 1997. L’activité manufacturière française ne tient plus qu’au succès des filières du luxe, de l’aéronautique ou de l’armement, qui contraste avec les rachats en chaîne de fleurons nationaux par des groupes étrangers et avec la faillite du secteur public.
L’industrie, grâce à la forte intensité du capital, génère des emplois qualifiés et des salaires élevés, tout en réalisant 97 % des exportations de biens et 78 % de la recherche. Son effondrement explique l’annihilation de la croissance potentielle et la baisse de la productivité.
Il a provoqué la destruction de 2,5 millions d’emplois depuis 2000. Il explique le creusement du déficit commercial qui culmine à 164 milliards d’euros en 2022.
Simultanément, la pandémie de Covid puis la guerre d’Ukraine ont souligné les risques majeurs que la désindustrialisation crée pour la sécurité et la souveraineté de notre pays. Il dépend de la Chine et de l’Inde pour les biens essentiels – dont le médicament qui a connu 1 602 ruptures d’approvisionnement en 2002 – , des États-Unis pour la technologie et désormais l’énergie compte tenu de l’effondrement de la production d’électricité d’EDF qui affiche 18 milliards de pertes et 65 milliards de dettes.
La désindustrialisation ne répond pas à une loi d’airain du capitalisme mais aux erreurs de politique économique que la France a enchaînées depuis les années 1970 : transfert du poids des chocs pétroliers sur les entreprises provoquant la chute de l’investissement ; nationalisations, imposition du capital et relance keynésienne de 1981 ; stratégie du franc fort puis de l’euro fort qui ruina la compétitivité et le tissu des PMI ; loi des 35 heures au moment où la Chine entrait dans l’OMC et où l’Allemagne s’engageait dans l’Agenda 2010 ; choix d’un modèle économique fondé sur la consommation financée par la dette publique associée à la délocalisation des centres de décision, de la production, de la recherche et des emplois dans l’industrie.
La réindustrialisation constitue aujourd’hui une condition nécessaire au redressement économique et à la reconquête de la souveraineté de la France. Elle est rendue plus difficile par le surcoût durable de l’énergie mais aussi par les politiques actives mises en place par nos concurrents : énergie bon marché et subvention massive à la transition écologique par les États-Unis à travers l’IRA ; dumping social, environnemental et monétaire de la Chine ; plan de soutien allemand mobilisant 8 % du PIB au service de la compétitivité des entreprises.
La prise de conscience tardive mais salutaire des dangers de la désindustrialisation et le renouveau de la politique industrielle ont cependant produit de premiers résultats.
Depuis 2017, 300 ouvertures nettes d’usines ont été effectuées, tandis que 1 259 implantations ou extensions ont été enregistrées en 2022 contre 929 pour le Royaume-Uni et 832 pour l’Allemagne.
Mais la France reste désavantagée par les surcoûts du travail, par la pénurie de foncier en raison de la norme zéro artificialisation des sols, par l’envol des prix de l’électricité, par les contraintes bureaucratiques et la multiplication des procédures judiciaires, par la violence sociale et politique qui cible de plus en plus les sites industriels, jusqu’à provoquer le transfert à l’étranger du projet d’usine de Bridor à Rennes.
S’y ajoutent les réglementations européennes comme la taxonomie qui coupe le financement de l’industrie au nom d’une conception biaisée de la transition écologique ou le projet d’ajustement carbone aux frontières qui, en ne frappant que les matières premières et les intrants, incite à la délocalisation des activités et pénalise les exportations européennes.
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Chronique parue le 19 juin 2023