Les mesures annoncées par le gouvernement lundi 5 juin sont en deçà des besoins. La crise du logement constitue une catastrophe qui risque de déchaîner le populisme.
Le logement est entré dans une crise violente. Les permis de construire se sont effondrés de 30 % depuis 2021. Les ventes ont reculé de 25 % tandis que le stock de logements neufs augmente fortement faute d’acheteurs. Les investisseurs institutionnels se détournent et les bailleurs sociaux ne peuvent plus construire faute de financements.
Mais le plan logement annoncé par le gouvernement se résume au déni de la crise. Il se limite à une myriade de mesures techniques qui peinent à masquer l’absence de toute stratégie autre que la diminution de plus de 2 milliards d’euros des mesures de soutien afin de réaliser des économies budgétaires.
Le prêt à taux zéro est recentré sur les seuls logements collectifs neufs en zone tendue et sur l’ancien à rénover en zone détendue, excluant la maison individuelle, pourtant plébiscitée par les Français depuis l’épidémie de Covid. La disparition du dispositif Pinel marque la fin de la neutralisation de la surfiscalisation de l’immobilier pour les particuliers. L’achat de 47 000 logements sociaux par la Caisse des dépôts et Action Logement se fera au détriment de leurs propres programmes. L’augmentation du plafond du bail réel solidaire, l’élargissement de la garantie Visale par Action Logement pour apporter des cautions ou les aides supplémentaires pour la rénovation énergétique n’auront aucun effet sur l’offre.
Une catastrophe économique et sociale
Le gouvernement planifie ainsi une dramatique pénurie de logements en France. La chute de la construction neuve privée implique celle des logements sociaux qu’elle subventionnait. Le déficit de l’offre implique le maintien des prix de l’immobilier – qui n’ont pour l’heure baissé que de 0,2 % – et des loyers à un niveau très élevé. Ceci contribuera à la paupérisation des Français, puisque le logement pèse pour plus d’un tiers de leurs dépenses, et freinera la mobilité sociale, tout en accroissant les inégalités entre les territoires et les générations. Sur le plan économique, la construction, qui génère 10 % du PIB et 9 % des emplois, va accumuler les faillites et les destructions d’emplois, estimées à plus de 100 000 en 2023. Enfin, le logement, s’il bénéficie de 38 milliards de mesures de soutien ramenées à 36 milliards par le plan du gouvernement, créait 85 milliards d’euros de recettes pour les finances publiques qui vont fortement diminuer.
La crise du logement constitue une catastrophe économique et sociale qui ne manquera pas de déchaîner le populisme. Elle doit impérativement être enrayée, non par une salve de dispositifs technocratiques déconnectés des réalités, mais par une stratégie de long terme visant la production de logements et l’innovation pour répondre aux besoins des Français. En arrêtant la course folle des impôts et des normes pesant sur l’immobilier. En rendant aux maires une ressource propre permettant de financer les services publics et les infrastructures nécessaires à la population. En prévoyant un calendrier réaliste et des aides significatives pour la transition écologique. En instaurant des incitations, notamment sous la forme de droits à construire, pour la reconversion des bureaux en logements. En développant les filières de recyclage. En assurant la valorisation et la mobilité au sein du parc HLM. En supprimant les servitudes sociales qui renchérissent les logements privés.
Une arme de destruction massive contre la démocratie
Le logement n’est ni une rente, ni un privilège, ni un luxe. Il joue un rôle clé dans le niveau et la qualité de la vie des citoyens, dans la sécurité financière des ménages, dans les équilibres entre territoires et générations, et donc dans la stabilité des classes moyennes. Pour ces raisons, l’organisation de la pénurie de logements constitue une arme de destruction massive contre la démocratie.
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Chronique du 7 juin 2023