Le camouflet infligé par Xi Jinping à Emmanuel Macron rappelle quelques vérités simples.
La visite d’Emmanuel Macron en Chine aurait dû avoir pour objectif de rétablir le contact avec les autorités de Pékin et de souligner, en présence d’Ursula von der Leyen, l’unité des Européens face à la multiplication des crises sanitaire, énergétique, alimentaire, migratoire, financière, stratégique. En effet, depuis sa dernière visite à Shanghaï en 2018, tout a changé.
Le monde a basculé dans une nouvelle ère avec la pandémie de Covid et l’invasion de l’Ukraine par la Russie : une grande confrontation s’est ouverte entre empires autoritaires et démocraties tandis que la mondialisation éclatait en blocs.
Mais en se fixant pour objectif central de convaincre Xi Jinping de jouer un rôle de médiateur dans le conflit ukrainien, le président de la République a voué son déplacement à l’échec. Comme il était prévisible, il s’est heurté à une sèche fin de non-recevoir, amplifiée par la reprise des manœuvres autour de Taïwan à l’occasion de la rencontre entre la présidente Tsai Ing-wen et le président de la Chambre des représentants aux États-Unis, Kevin McCarthy, ce que la diplomatie russe n’a pas manqué de relayer.
Emmanuel Macron n’a tiré aucune leçon du fiasco du dialogue qu’il a voulu entretenir avec Vladimir Poutine. Il persiste dans le déni sur la nature des empires autoritaires comme sur la stratégie impériale de leurs dirigeants. La Chine n’a rien de neutre et n’entreprendra aucune médiation dans la guerre d’Ukraine. Sa diplomatie est tout entière orientée vers la désintégration de l’ordre mondial qu’elle juge occidental et repose d’un côté sur « l’amitié sans limites » qui l’unit à la Russie, dont elle souhaite la victoire, de l’autre sur l’approfondissement des partenariats avec le « Sud global ». La démarche d’Emmanuel Macron se réduit à légitimer la posture de la Chine, qui apporte un soutien inconditionnel à Moscou en Ukraine et désigne explicitement l’Occident comme ennemi. Pour la France, prétendre être une puissance d’équilibres et s’émanciper des blocs dans un monde où les empires autoritaires entendent annihiler la démocratie relève d’une dangereuse illusion.
La tentative d’Emmanuel Macron de se présenter en chef de file de l’Union européenne en se faisant accompagner d’Ursula von der Leyen a également fait long feu. Il est vrai que le seul levier dont dispose l’Europe sur la Chine est économique. Xi Jinping a cassé le modèle de développement chinois en rétablissant le contrôle du parti communiste sur les entreprises et les centres de recherche, faisant chuter la croissance de 9,5 % à 3 % par an. Le marché intérieur est gelé par le déclin démographique, le krach immobilier et la défiance des Chinois envers leurs dirigeants, portée aux extrêmes par la gestion de l’épidémie de Covid. Les nouvelles classes moyennes sont meurtries et la crise sociale menace. Le seul moteur de la relance se trouve dans les exportations et le surplus de 750 milliards de dollars réalisé avec les États-Unis et l’Union.
Pillage technologique
Les Européens sont fondés, ainsi que l’a exprimé Ursula von der Leyen, à faire valoir auprès de la Chine que la menace existentielle que la Russie fait peser sur le continent est déterminante pour son avenir et que l’attitude de Pékin face à la guerre en Ukraine conditionne les relations avec l’Union. La France décrédibilise malheureusement cette posture en cherchant désespérément à signer des contrats de long terme qui se limiteront à alimenter le pillage technologique de nos entreprises et à pérenniser notre dépendance vis-à-vis des biens essentiels chinois.
La diplomatie française devrait adopter une ligne claire vis-à-vis de la Chine autour des principes suivants : refus de la prolifération nucléaire poursuivie par la Russie avec le déploiement d’armes atomiques en Biélorussie ; réaffirmation de la souveraineté nationale qui conduit à demander le retrait des troupes russes d’Ukraine ; conditionnement des relations politiques et économiques avec Pékin à l’arrêt du soutien à la Russie dans sa guerre de haute intensité contre l’Ukraine comme de sa guerre hybride contre les membres de l’Union ; réciprocité stricte et prise en compte des normes sociales et environnementales dans les échanges commerciaux.
Le camouflet infligé par Xi Jinping à Emmanuel Macron rappelle quelques vérités simples. On ne peut construire de politique étrangère que sur les faits et sur la réalité des régimes et des dirigeants. Il n’est pas de puissance sans les moyens de la puissance, à commencer par une économie forte et des finances saines. Il n’est pas davantage de crédibilité en politique étrangère pour un chef d’État ou de gouvernement qui ne peut réformer ni assurer la paix civile dans son pays.