La Chine a clos le cycle de ses Quarante Glorieuses et se heurte à des problèmes structurels qui entravent son développement et limitent sa puissance
La Chine ne connaît pas les élections mais dispose d’une opinion publique, dont la mobilisation peut se montrer redoutable. Les violentes manifestations contre les restrictions sanitaires qui se sont propagées dans les villes, les universités et les usines, à la suite du tragique incendie d’Urumqi où dix personnes sont mortes dans un immeuble confiné, ont contraint Xi Jinping à renoncer à la stratégie « zéro Covid ». Et ce, alors même qu’il avait fait de la victoire sur l’épidémie le fondement de sa légitimité lors du 20e congrès du Parti communiste chinois qui lui a confié un troisième mandat, synonyme de l’exercice du pouvoir à vie.
En quelques jours ont ainsi été démantelés les confinements, les quarantaines et les campagnes de tests obligatoires, tandis que les frontières étaient rouvertes. Cette sortie brutale et improvisée de la stratégie « zéro Covid », qui intervient en plein hiver et au milieu du Nouvel An chinois, tourne à la catastrophe sanitaire. Face au variant Omicron très contagieux, les Chinois ne possèdent ni immunité collective, ni vaccins efficaces, ni système de santé performant. L’épidémie se déchaîne donc et va entraîner plusieurs millions de morts, que les autorités ont entrepris d’occulter en faussant les chiffres et les causes de la mortalité comme l’a constaté l’OMS. L’épidémie de Covid ne marque pas seulement la faillite du pouvoir absolu de Xi Jinping. Symbole des errements indissociables du retour au maoïsme, elle met un coup d’arrêt à la course au leadership mondial de la Chine, ce qui pourrait la rendre d’autant plus dangereuse.
La Chine a clos le cycle de ses Quarante Glorieuses et se heurte à des problèmes structurels qui entravent son développement et limitent sa puissance. Sa population a atteint son pic et vieillit d’autant plus rapidement que les naissances s’effondrent, au moment où elle se trouve dépassée par celle de l’Inde. Le niveau d’éducation reste modeste, puisque la durée moyenne d’études est limitée à 9,2 ans et que seule 5,8 % de la population accède à l’enseignement supérieur. La croissance a chuté sous Xi Jinping de 9,5 % à 3 % par an en raison du chaos des chaînes logistiques entraîné par la stratégie « zéro Covid », de la mise sous tutelle des entreprises privées par le secteur d’État – avec pour symboles la prise de contrôle d’Alibaba et d’Ant par les autorités ainsi que l’exil forcé de Jack Ma au Japon -, enfin du krach immobilier. En bref, la Chine a cassé sa dynamique de développement et s’est enfermée dans la trappe des pays à revenus intermédiaires.
Or l’enrayement du modèle économique et social est durable. Le déclin démographique interdit la réorientation vers le marché intérieur ; les exportations sont amenées à décroître du fait de la montée des tensions géopolitiques alimentées par la diplomatie guerrière de Pékin ; les capitaux, les entreprises, les expatriés, les talents et les cerveaux quittent massivement le pays, devenu dangereux et imprévisible. Dans le même temps, la réhabilitation d’un marxisme de stricte observance et le durcissement idéologique du régime, servi par son « Big Brother » numérique, interdisent toute réforme dans les domaines clés des entreprises d’État, du système financier, de l’agriculture ou de l’environnement. Le régime de Pékin fait encore peur mais a perdu sa légitimité. La Chine, qui avait émergé en ne cessant de s’adapter, va stagner en s’immobilisant.
Or le temps joue désormais contre Pékin. Il avantage à l’inverse les États-Unis dont la puissance se redresse, portée par la croissance de leur population, par leur autonomie énergétique et alimentaire, par le dynamisme des secteurs de la technologie et de l’armement, par le rôle de valeur refuge du dollar, par leur domination financière et l’extraterritorialité de leur droit, par la renaissance de leurs alliances stratégiques en Europe comme en Asie. Dès lors, les risques de recours à la force armée sont élevés, tant en mer de Chine du Sud qu’à Taïwan, visée par de nouvelles manœuvres. Taïwan représente en effet la clé qui pourrait permettre à Pékin de reprendre sa course vers le leadership mondial à l’horizon 2049, en raison de sa richesse (PIB de 829 milliards de dollars soit 35 500 dollars par habitant, réserves de change de 550 milliards de dollars) et de son excellence technologique, particulièrement dans le secteur stratégique entre tous des semi-conducteurs de dernière génération.
Lire la suite de l’éditorial sur lefigaro.fr