L’industrie européenne, qui a servi de variable d’ajustement dans le contexte de la mondialisation dérégulée, se trouve aujourd’hui menacée de disparition.
La multiplication des chocs souligne la fragilité de l’industrie européenne ainsi que les risques qui en résultent pour l’économie et la sécurité du continent.
L’Union européenne s’est construite autour du grand marché, régi par le droit de la concurrence et guidé par les principes du libre-échange avec pour objectif prioritaire la baisse des prix pour le consommateur, ainsi que de l’euro, dont la gouvernance était censée privilégier la stabilité monétaire. Dans le contexte de la mondialisation dérégulée, l’industrie européenne a servi de variable d’ajustement. Prise en étau entre les oligopoles technologiques américains et la transformation de la Chine en usine du monde, cible privilégiée des guerres commerciales et monétaires, elle a vu s’effondrer certains de ses pôles d’excellence, comme les télécommunications, qu’elle dominait en 2000, tandis que ses investissements et ses emplois étaient massivement délocalisés. L’Allemagne constitua une exception.
L’industrie européenne se trouve aujourd’hui menacée de disparition. Il n’est pas jusqu’au modèle mercantiliste allemand qui ne soit profondément déstabilisé. Et les projets de délocalisation vers les États-Unis se multiplient, de BASF à Safran en passant par Northvolt. Les entreprises du continent font en effet face à l’explosion des coûts de l’énergie, du travail, de la fiscalité et des réglementations environnementales. Et ce au moment où les États-Unis et la Chine rivalisent pour attirer les activités et les emplois industriels afin de relancer gains de productivité et croissance.
Les États-Unis sont les grands gagnants de la nouvelle donne créée par la guerre d’Ukraine. Ils ont entrepris de reconstituer leur puissance économique à partir des secteurs de l’énergie, de la santé, de la technologie et de l’armement. Outre le statut de valeur refuge du dollar, la domination des marchés financiers et l’extraterritorialité de leur droit, ils ont mobilisé, avec l’Inflation Reduction Act, un plan d’aide de 370 milliards dollars à l’industrie qui s’ajoute aux mesures sectorielles comme les 53 milliards de subventions en faveur du secteur des semi-conducteurs. L’objectif consiste à la fois à dynamiser la croissance, grâce au relèvement des gains de productivité, qui atteignent désormais 2 % par an, et à contrer la Chine dans sa tentative de prendre le leadership économique et technologique du monde.
La Chine n’est pas en reste. Face à la stagnation du marché intérieur, en raison du recul démographique, de la flambée de l’épidémie de Covid, du krach immobilier, de la défiance de la population envers ses dirigeants, la seule source de rebond réside dans les exportations. D’où le ton moins agressif de la diplomatie de Pékin qui va de pair avec le renouveau de la conquête à tout prix des marchés mondiaux.
Au sein de l’Union européenne, une prise de conscience a commencé à s’opérer. Mais elle n’est pas suffisante.
Pour l’heure, la réaction se limite à un assouplissement du régime des aides d’État – que Margrethe Vestager veut provisoire – et au soutien de projets ponctuels, comme dans les batteries électriques, les semi-conducteurs ou l’hydrogène. Le plan de relance de 750 milliards d’euros ne comporte aucune protection des entreprises européennes. Certains des projets normatifs les plus dévastateurs pour l’industrie continuent de prospérer, à l’image de la taxonomie, qui coupe de facto les secteurs du nucléaire et de la défense de leurs sources de financement en pleine crise énergétique et alors que l’Europe fait l’objet d’une guerre hybride de la part de la Russie. L’idée de taxe carbone aux frontières a de même été dénaturée en ne visant que les produits bruts et non les biens transformés, ce qui en fait une arme de destruction massive des entreprises européennes.
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