Le Covid ne constitue pas une parenthèse. Nous ne devons plus rêver au monde de l’après-Covid mais construire le monde de l’avec-Covid.
Depuis son apparition à Wuhan, à l’automne 2019, le Covid n’a cessé de créer la surprise et de déjouer les stratégies mises en place pour l’endiguer. La cinquième vague portée par le variant Omicron marque une rupture, qui pourrait voir l’épidémie de Covid se transformer en endémie, à l’image de la grippe saisonnière.
L’année 2021 s’était ouverte avec l’arrivée des vaccins, ouvrant l’espoir d’une sortie de l’épidémie grâce à l’atteinte de l’immunité collective et d’un retour à la normale. La majorité de la population des pays développés a reçu deux puis trois doses de vaccin. Une forte reprise a succédé à la récession historique de 2020, portée par la réouverture des économies et par une dynamique de rattrapage. Mais le Covid n’a pas été éradiqué. Surtout, le retour en force de l’inflation, la désorganisation des chaînes de valeur, la modification des comportements des ménages, la montée des tensions internationales ont commencé à dévoiler l’ampleur des séquelles du choc et confirmé que le monde qui émerge est très différent de celui des années 2010.
Avec Omicron, beaucoup plus contagieux mais deux fois moins sévère que la souche d’origine et trois fois moins que le variant Delta, 2022 débute sous un nouveau jour. Les mesures de restriction sanitaire ne fonctionnent pas ou peu face à la contagiosité du nouveau variant : la France compte ainsi plus de 350 000 cas testés positifs par jour, ce qui implique 700 000 à 1 million de malades par jour. Ni l’infection ni le vaccin ne sont efficaces contre la contamination et n’assurent l’immunité face au Covid, même si la vaccination réduit très fortement le risque d’hospitalisation et, a fortiori, de soins en réanimation. Enfin, l’apparition de variants et la diminution des anticorps imposent l’injection d’une nouvelle dose tous les 4 à 6 mois : ainsi Israël a décidé d’administrer une quatrième dose à ses citoyens de plus de 60 ans, et le Chili, à tous les immunodéprimés.
La troisième année de l’épidémie marque ainsi un changement de paradigme. Le Covid ne sera pas éradiqué. Il ne constitue pas une parenthèse destinée à se refermer mais inaugure une nouvelle norme qui doit intégrer la présence durable du virus. Dès lors, les stratégies de lutte contre l’épidémie devront évoluer, passant d’une logique d’urgence et de circonstances exceptionnelles à un régime permanent de vigilance, qui doit être compatible avec la continuité de la vie économique, sociale et démocratique ainsi qu’avec le fonctionnement de l’État de droit.
Les stratégies d’éradication du virus, à l’image du « zéro Covid » poursuivi par la Chine, sont aujourd’hui condamnées à l’échec. L’année 2022, qui devait être dominée par les JO d’hiver de Pékin et le couronnement de Xi Jinping lors du XXe Congrès du parti communiste, sera celle du retour du Covid en Chine, alors même que le vaccin Sinovac n’est pas efficace et que la population ne dispose d’aucune immunité. Il apparaît ainsi que ce n’est pas l’épidémie qui a provoqué la fermeture de la Chine mais la volonté politique de fermer la Chine qui a instrumentalisé l’épidémie. Au-delà des stratégies « zéro Covid », les arsenaux de mesures sanitaires et de protocoles rigides fondés sur la généralisation des tests, du traçage et l’isolement se révèlent de plus en plus inefficaces et inadaptés. La résistance à la vaccination ira croissant au sein de minorités activistes dans les pays développés.
Nous ne devons plus rêver au monde de l’après-Covid mais construire le monde de l’avec-Covid.
L’évolution de l’épidémie vers l’endémie impose des transformations profondes et nombreuses. La lutte contre l’endémie et la prévention de nouvelles pandémies passe par l’association d’une obligation vaccinale ciblant les publics les plus vulnérables avec un renforcement des systèmes de soins afin d’assurer leur continuité face à des fléaux de masse, notamment par la montée en puissance des capacités de réanimation. Une industrie de la prévention et du traitement du Covid et des virus va se développer, dans laquelle il est vital que la France et l’Europe investissent.
La compétition va s’installer entre les nations sur la vitesse de normalisation des politiques économiques afin de les rendre soutenables dans le contexte de remontée des taux d’intérêt : l’installation durable du Covid est incompatible avec le maintien d’un droit de tirage illimité des ménages et des entreprises sur l’État. Enfin, la mise en place d’un système de veille permanente sur les variants implique un renouveau de la coopération internationale portant sur l’identification des virus, la prévention, le traitement et la vaccination. Omicron met ainsi en pleine lumière les révolutions provoquées par le Covid et place individus, entreprises et nations devant le choix de s’y adapter ou de se trouver marginalisés.
(Chronique parue dans Le Figaro du 17 janvier 2022)