La reprise française ressemble à une pyramide de Ponzi digne de Bernard Madoff.
L’économie française connaît en 2021 une brillante reprise, qui la place en situation de locomotive de la zone euro. La croissance devrait approcher 7 %, soit la meilleure performance depuis 1969. Le chômage a diminué jusqu’à 7,6 % de la population active. Le CAC 40 s’est installé au-delà de 7 000 points tandis que les faillites sont tombées à un plus bas historique. Enfin la pauvreté est stable, touchant 14,6 % de la population, en dépit de la récession de 2020 et des confinements.
Sous cet apparent miracle, célébré à l’envi par Emmanuel Macron et son gouvernement, pointent pourtant des signaux d’alerte qui témoignent de la persistance des problèmes structurels de l’économie française.
La production manufacturière n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant l’épidémie. Le déficit de la balance commerciale se creuse et devrait tangenter 70 puis 90 milliards d’euros en 2021 et 2022, soulignant la dégradation continue de la compétitivité de notre pays. Les coûts de production sont en hausse de 11 % sur un an. Le chômage frappe 5,871 millions de personnes toutes catégories confondues, alors que plus d’un million d’offres d’emplois demeurent non pourvues et que la quasi-totalité des pays développés sont en plein emploi. Loin d’enclencher la modernisation économique et sociale de notre pays, la reprise pousse à ses limites le modèle de la croissance à crédit. Au nom du slogan « quoi qu’il en coûte », l’État, qui redistribue 34 % du PIB, se substitue désormais aux entreprises pour assurer leur chiffre d’affaires – via les PGE -, payer leurs salariés – à travers l’indemnité inflation – et financer leurs investissements – grâce à France 2030. Cette fuite en avant est insoutenable.
La reprise française ressemble à une pyramide de Ponzi digne de Bernard Madoff. Le déficit public structurel atteint 5 % du PIB et ne peut être réduit en raison de son incapacité à diminuer ses dépenses courantes. L’État cherche à compenser par des aides la restauration de la compétitivité des entreprises qu’il a détruite par ses prélèvements, ses règlements et ses interventions. Il finance ainsi par la dette des montagnes de charges différées qui n’ont d’autre issue que la hausse de la fiscalité la plus élevée du monde développé ou le défaut.
La performance exceptionnelle de l’activité en 2021 s’explique par l’ampleur de la récession de 2020 mais aussi par la nouvelle expansion de l’État qui a entrepris de réassurer les rémunérations des ménages – en plus des transferts sociaux qui s’élèvent à 34 % du PIB – ainsi que l’activité des entreprises. De ce fait, l’écart ne cesse de se creuser avec nos partenaires européens dans la gestion des finances publiques : la France aura le déficit le plus élevé de la zone euro à partir de 2023. Plus fondamentalement, le transfert vers l’État du financement et de la responsabilité ultime de l’ensemble des fonctions économiques est incompatible avec une économie de marché et voué à une faillite retentissante.
La nature de la reprise compte davantage que son intensité. Une croissance élevée tirée par la seule consommation – elle-même intégralement financée par la dette publique – n’apporte qu’un sursis éphémère. Elle aggrave les maux structurels de notre économie – au premier rang desquels la sous-compétitivité ainsi que le surendettement public et privé.
Le redressement à long terme de notre économie dépend de la reconstitution d’une offre compétitive. L’État peut y contribuer, non pas en distribuant un pouvoir d’achat fictif, mais en soutenant l’amélioration des facteurs de production. L’augmentation du volume et de la qualité du travail, par un formidable effort d’éducation et de formation (la moitié des salariés ne disposent pas des qualifications requises par le poste qu’ils occupent). L’orientation de l’épargne vers les fonds propres des entreprises et non le financement des déficits publics. L’incitation à l’innovation, en consacrant 5 % du PIB à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais aussi en démantelant le carcan réglementaire et bureaucratique qui bride la prise de risque. L’énergie, dont le rôle dans la compétitivité demeure primordial et qui a vu l’État, pour des raisons électoralistes et sous la pression de l’Allemagne, ruiner la filière nucléaire qui constituait l’un des points forts de la nation et permettait de garder une industrie performante tout en décarbonation la production. La modernisation de l’État, dont les surcoûts, l’inefficacité et la dégradation des services d’éducation, de santé, de sécurité et de justice, plombent l’économie et la société. La sortie de l’épidémie constitue une chance historique de repositionner l’économie française dans le XXIe siècle que nous n’avons pas le droit de dilapider.
(Chronique parue dans Le Figaro du 8 novembre 2021)