La diplomatie d’Emmanuel Macron ressemble à sa politique intérieure, alliant des intuitions justes et un déficit criant d’exécution.
En 2017, auréolé de sa victoire contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est fixé quatre priorités. Le renforcement de la zone euro et de la souveraineté de l’Union européenne après le Brexit, grâce à un partenariat étroit avec l’Allemagne. L’affirmation de la France comme puissance d’équilibre face à la montée de l’antagonisme entre les États-Unis et la Chine en déployant une stratégie indo-pacifique autonome, en jouant un rôle de médiateur avec les puissances disruptives comme la Russie ou l’Iran, en redéfinissant la relation avec l’Afrique autour du codéveloppement. L’instauration d’une relation personnelle avec les hommes forts qui entendent refondre l’ordre mondial.
La défense du multilatéralisme et sa relance autour de l’urgence climatique.
L’engagement européen demeure le fil conducteur du quinquennat et le seul domaine où des résultats tangibles ont été obtenus. Mais grâce à l’épidémie de Covid plus qu’à la diplomatie française. Les projets développés dans le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 se sont heurtés à une fin de non-recevoir silencieuse mais ferme d’Angela Merkel. Puis la crise sanitaire et économique a rebattu les cartes.
Le refinancement massif des États et des banques par la BCE, la mutualisation des achats de vaccins et le plan de relance de 750 milliards d’euros Next Generation EU ont adossé la monnaie unique à une Europe économique et commencé à donner corps à l’Europe politique.
En dépit du désengagement américain du continent, de la déliquescence de l’Otan et de la débâcle de Kaboul, ces progrès n’ont cependant pas débouché sur des avancées concrètes dans le domaine de la défense et de la sécurité en raison des divergences sur les menaces, du contenu très divers donné à la notion d’autonomie stratégique, de la priorité maintenue par nos partenaires en faveur de la réassurance américaine, même fictive.
Force est de constater que les autres initiatives d’Emmanuel Macron se sont conclues par autant d’échecs.
La tentative de nouer une relation spéciale avec Trump s’est fracassée sur son imprévisibilité et sa volonté de détruire les traités et les alliances. Les ouvertures vers la Chine de Xi Jinping, la Russie de Poutine, la Turquie d’Erdogan, l’Arabie saoudite de MBS ou les Émirats de MBZ ont tourné court, pêchant par méconnaissance de la nature réelle de ces régimes et des autocrates qui les dirigent.
Les velléités de s’affirmer comme un médiateur dans les conflits autour du nucléaire iranien ou de la gouvernance du Liban ont fait long feu.
L’élection de Joe Biden a paradoxalement mis en lumière la fragilité de la diplomatie française. Le retrait catastrophique de Kaboul a confirmé le pivot vers l’Asie de l’Amérique et son unilatéralisme, qui renforce l’urgence d’une Union de la sécurité. Mais la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine ne laisse pas de place à une troisième voie. La rupture du contrat des sous-marins australiens et l’accord Aukus ont ruiné la stratégie indo-pacifique imaginée par Paris. Pour Washington, comme pour Pékin et Moscou, l’Union se confond désormais avec Berlin.
La France éprouve les limites de sa capacité de gestion des crises au Sahel, qui présente toutes les caractéristiques d’un nouvel Afghanistan.
L’isolement croissant d’Emmanuel Macron et de sa diplomatie s’explique certes par la dégradation du système international, caractérisée par la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine, les ambitions de puissance sans limites de la Russie de Poutine ou de la Turquie d’Erdogan, l’absence de fiabilité et de loyauté d’alliés tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni, la désintégration de l’ordre international. Mais il renvoie aussi au style non dénué d’arrogance d’Emmanuel Macron, à la centralisation extrême de son mode de décision, à son unilatéralisme vis-à-vis de nos partenaires européens qui n’a rien à envier à celui des États-Unis envers leurs alliés.
La diplomatie d’Emmanuel Macron présente les mêmes traits que sa politique intérieure, alliant des intuitions justes et un déficit criant d’exécution. Elle est minée par le déclassement de la France, sa faible capacité d’entraînement, l’incapacité à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies globales associant tous les leviers de l’action publique et privée. Et ce contrairement à l’Allemagne qui, à bas bruit, a méthodiquement conquis le leadership de l’Union et poursuit sa diplomatie mercantiliste. Le discours de la puissance est vain s’il ne s’appuie pas sur les moyens de la puissance.
(Chronique parue dans Le Figaro du 8 novembre 2021)