La COP26 constitue la dernière chance de limiter à 2°C, voire à 1,5°C, la hausse de la température de la planète en 2100.
La COP26, qui s’est ouverte le 31 octobre à Glasgow, est à la fois très attendue et décisive. Elle se déroule à l’ombre portée de l’épidémie de Covid, qui a entraîné son report d’un an et qui illustre tragiquement les risques planétaires du XXIe siècle. Elle constitue la dernière chance de limiter à 2 °C, et dans l’idéal à 1,5 °C, la hausse de la température de la planète en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, objectif fixé par l’accord de Paris, en 2015.
La décarbonation de l’économie constitue certes un formidable défi, mais elle est tout sauf irréaliste.
Elle repose avant tout sur l’innovation : or, les progrès accomplis sur les batteries, sur le stockage et la distribution de l’énergie, sur la captation du carbone, sur l’efficacité énergétique des transports ou de la construction invitent à l’optimisme. L’effort financier reste considérable, mais il n’est pas hors de portée.
La transition écologique implique en effet de porter l’effort d’investissement de la planète de 24 à 27 % du PIB et de faire supporter, via l’instauration d’un prix du carbone, un prélèvement sur les ménages de 3,7 % du PIB – soit l’équivalent du coût du choc pétrolier pour les ménages des pays développés en 1974.
Ne manque que l’essentiel, à savoir le courage politique et la définition d’une stratégie qui permette de mobiliser toutes les forces économiques et sociales et de dépasser les tensions géopolitiques.
C’est là que réside l’enjeu de la COP26, dont l’issue se jouera autour de cinq grandes questions.
Les engagements des États dès 2030. L’accord de Paris, en 2015, avait acté que chaque État élaborerait un plan d’action national. À ce jour, 140 en ont établi sur les 191 signataires, ce qui représente un peu plus de la moitié des émissions.
Mais leurs ambitions restent sept fois inférieures au niveau requis pour tenir les objectifs de l’accord de Paris. Par ailleurs, les engagements de décarbonation pris récemment par les principaux pollueurs, positifs dans leur principe, ignorent l’étape cruciale de 2030 pour reporter leurs efforts vers 2050 ou 2060, ce qui les prive de crédibilité. Ainsi en va-t-il des promesses des États-Unis d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ou de la Chine, de l’Arabie saoudite et de la Russie de s’y conformer en 2060.
La divergence entre les plans d’action et les mesures concrètes. L’écart se creuse entre les engagements des États et leurs décisions. Seule une petite dizaine de membres du G20 sont aujourd’hui en position de respecter leurs objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, au premier rang desquels l’Union européenne. À l’inverse, la Chine, premier pollueur mondial responsable de 28 % des émissions, donne un signal très négatif en autorisant la réouverture de 153 mines de charbon et la production de 220 millions de tonnes supplémentaires par an pour répondre à la pénurie d’électricité provoquée par la reprise. De même, un important retard a été accumulé dans le domaine de la protection des forêts et des océans.
La solidarité avec les pays du Sud. Nombre de pays du Sud sont très fortement affectés par le réchauffement climatique alors qu’ils n’y contribuent que très peu, voire pas du tout. Il est donc légitime pour les pays développés de financer leur transition. Or la promesse de transférer 100 milliards de dollars par an vers les plus pauvres ne serait réalisée qu’en 2023.
La mobilisation du marché. La transition écologique exige d’investir environ 7 000 milliards de dollars d’ici à 2030. Son financement excède la capacité des États, et ce d’autant qu’ils ont manqué l’occasion des plans de relance en n’affectant que 17 à 19 % des fonds à la lutte contre le réchauffement climatique.
La relance de la coopération internationale. La lutte contre le réchauffement climatique ne peut être efficace que si elle est mondiale. Or la COP26 intervient sur fond de nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine. Elle livrera un verdict crucial sur la volonté réelle de la Chine de participer à la lutte contre le réchauffement climatique, sur la capacité des géants du XXIe siècle de dépasser leurs conflits pour gérer les risques planétaires, sur le pouvoir d’entraînement et de cristallisation de compromis de l’Union européenne dans l’un des rares domaines où elle dispose d’une légitimité reconnue.
La COP26 est aux années 2020 ce que fut la conférence de Londres de 1933 à la décennie 1930 : la dernière chance de promouvoir une stratégie coopérative entre les grandes puissances pour enrayer une catastrophe planétaire.
La rigidité de la Banque de France dans la défense de l’étalon-or et l’unilatéralisme de Franklin Roosevelt ruinèrent à Londres l’ultime possibilité de bloquer la déflation et précipitèrent l’effondrement des deux tiers des échanges et des paiements mondiaux. Espérons que les dirigeants du XXIe siècle sachent éviter à Glasgow que l’histoire ne se répète.
(Chronique parue dans Le Figaro du 1er novembre 2021)