Il est urgent de définir et d’appliquer une politique de l’immigration au plan national comme au plan européen.
Éric Zemmour a dynamité une campagne présidentielle atone en plaçant l’immigration au cœur du débat public, plongeant l’extrême droite mais aussi la droite dans le désarroi. Sa théorie du grand remplacement relève du mythe. La confusion entretenue entre immigration et islamisme ou immigration et asile est fausse et dangereuse. Pour autant, Éric Zemmour a raison de dénoncer tant le déni qui entoure l’immigration depuis des décennies que l’absence de politique dans ce domaine, qui nourrissent l’exaspération des citoyens.
Du fait du refus des statistiques ethniques et religieuses, l’immigration reste un objet mal connu qui alimente les fantasmes. Les immigrés représentent aujourd’hui 10,2 % de la population française contre 7,3 % en 1999.
Cette proportion est élevée mais pas inhabituelle parmi les pays européens. En revanche, notre pays se distingue par deux traits. L’ancienneté et la continuité de l’immigration depuis les années 1950 tout d’abord, qui aboutit à ce que, si l’on prend en compte la seconde génération, un quart de la population présente un lien direct avec l’immigration, ce qui place notre pays à égalité avec les États-Unis (26 % de la population d’origine étrangère). Par ailleurs, l’origine des flux migratoires a changé : alors qu’un immigré sur deux arrivait d’Europe jusque dans les années 1990, 52 % proviennent désormais d’Afrique.
La France est par ailleurs confrontée à un double échec en matière d’immigration. Premier échec, la perte de contrôle des flux et l’absence de maîtrise des entrées sur le territoire. Les délivrances de titres de séjour ont augmenté de 85 % et les demandes d’asile ont plus que triplé depuis 2000 tandis que le nombre de clandestins peut être estimé entre 700 000 et 900 000 personnes. Dans le même temps, 92 % des obligations de quitter le territoire ne sont pas exécutées, ce qui mine la confiance dans l’État de droit. Second échec, l’intégration. La population immigrée est très concentrée dans des ghettos situés à la périphérie des grandes agglomérations. Il en résulte une triple faillite en termes d’éducation, de travail et de pauvreté : 18 % des enfants d’immigrés n’ont pas le brevet ; le taux de chômage est le double de celui de la moyenne de la population active et le taux de pauvreté approche 40 %.
Cette situation n’est pas tenable. Gelée de manière provisoire par l’épidémie de Covid, la pression migratoire venant d’Afrique ne peut qu’augmenter en raison de l’évolution démographique du continent qui comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050. Le blocage de l’intégration fait basculer des pans entiers de la population et du territoire dans l’anomie et la violence, y compris sous la forme de l’hybridation de la délinquance et du terrorisme.
Tant pour la cohésion sociale et la préservation de la paix civile que pour notre sécurité, il est donc urgent de définir et d’appliquer une politique de l’immigration au plan national comme au plan européen. L’immigration zéro n’a aucun sens. Mais il n’existe aucun droit à l’immigration ou devoir d’accueil inconditionnels. D’où trois priorités.
La reprise du contrôle des frontières extérieures de l’Europe est impérative ; elle est la condition du maintien de la liberté de circulation intérieure.
Frontex a vocation à être transformée en une véritable police des frontières continentale, dotée d’effectifs permanents et d’une capacité juridique et opérationnelle pour reconduire les immigrés en situation irrégulière.
Un effort particulier est indispensable en Méditerranée, où doit être déployé un dispositif intégré de surveillance et d’intervention.
Il est légitime d’encadrer l’immigration par des quotas en fonction des besoins de notre économie et des critères stricts en termes de maîtrise de la langue française, d’accès au logement et à l’emploi, d’adhésion aux valeurs de la République.
À l’inverse, le droit d’asile reste essentiel pour protéger les victimes de l’oppression : il convient de l’unifier au plan de l’Union avec la création d’une agence et de l’appliquer strictement en éloignant de manière effective les déboutés vers des plateformes dans les régions d’origine.
Enfin, l’accueil de migrants et de réfugiés n’a de sens que s’il vise leur intégration dans la communauté nationale. Cela implique un vaste effort en matière d’éducation et d’insertion des immigrés sur le marché du travail, avec pour contrepartie un engagement de respecter les lois et les valeurs de la République. L’Allemagne montre que cela est parfaitement possible puisque, six ans après, la quasi-totalité des réfugiés accueillis en 2015 parle allemand et que la moitié a trouvé un emploi. L’immigration n’est pas la cause du décrochage de la France ; elle est l’un des symptômes de la paralysie de ses institutions et de l’inefficacité de ses politiques publiques.
Dans ce domaine aussi, cessons de subir et agissons !
(Chronique parue dans Le Figaro du 4 octobre 2021)