Un an après le début de la pandémie de Covid-19, l’échec est total. Il est acté par le basculement des pouvoirs publics dans le chaos.
La pandémie de Covid constitue un test impitoyable pour la gouvernance des nations et la résilience des sociétés. Elle redessine la hiérarchie des puissances, actant pour l’heure le déclassement de l’Occident face à l’Asie, celui de l’Europe au sein de l’Occident et celui de la France au sein de l’Europe.
La débâcle de juin 1940 avait mis en lumière non seulement l’archaïsme de l’armée française enfermée par son haut commandement dans des doctrines obsolètes, mais aussi la fragilité de la société minée par une guerre civile froide et la paralysie des institutions de la IIIe République. L’épidémie de Covid remplit le même rôle. Sous la perte de contrôle de la situation sanitaire pointent la défaillance d’un État obèse et impuissant dont la bureaucratie foisonnante a fait la démonstration de son incapacité à gérer les crises, l’éclatement et les déchirures de la nation, le discrédit des institutions et des dirigeants auprès des citoyens.
Un an après le début de la pandémie, l’échec est total, acté par le basculement des pouvoirs publics dans le chaos, entre confinement pour rester à l’extérieur, accélération de la vaccination avec suspension du vaccin AstraZeneca, multiplication des fermetures d’activités et des attestations défiant le sens commun. La troisième vague de l’épidémie provoquée par les variants trouve notre pays toujours aussi impréparé mais de plus en plus vulnérable. Aucune leçon n’a été tirée de la saturation des structures de soins du Grand Est puis des carences en matière de masques, des tests, d’isolement, de contrôle aux frontières. Le système hospitalier est menacé d’effondrement, faute d’augmentation des capacités de réanimation. Le taux de vaccination est inférieur à 10 % de la population contre 30 % aux États-Unis, 43 % au Royaume-Uni et 92 % en Israël.
La déroute sanitaire retentit directement sur la situation économique. La condition première de la reprise est le contrôle de l’épidémie qui passe par la vaccination. Le retard accumulé par la France et la confusion créée par les procédures et les ordres de priorités interdisent d’espérer l’immunité collective avant la fin de l’été. Ceci reporte la reprise au dernier trimestre de l’année et annihile l’objectif d’une croissance de 6 % en 2021.
La situation est d’autant plus inquiétante que l’Union, qui a jusqu’à présent servi de parachute à la descente de la France, participe au naufrage. La délégation de l’achat et de la distribution des vaccins à la Commission, bien qu’elle ne dispose d’aucune compétence dans les domaines de la santé ou de la gestion de crise, a tourné à la catastrophe. La priorité a été donnée à une longue négociation des prix et du partage des responsabilités avec les laboratoires. Il en va de même pour le plan de relance de 750 milliards d’euros dont le principe est excellent mais dont la taille est insuffisante et la mise en œuvre étalée entre 2022 et 2024 beaucoup trop tardive. Enfin, l’Union a totalement failli dans une de ses compétences centrales avec l’arrêt des transports et l’incapacité à mettre en place un cadre sanitaire européen permettant la reprise des déplacements sur le continent.
Les raisons du déclassement de la France et de l’Europe sont connues. Pour la France, extrême concentration du pouvoir et procrastination d’Emmanuel Macron, enfermé dans la dialectique du « en même temps » qui interdit de présider en temps de crise ; communication erratique ; État bureaucratique qui sait encore prélever et dépenser mais non pas délivrer des services aux citoyens ; effondrement de la production et de l’innovation ; délitement de la société. Pour l’Union, incapacité à se redéfinir comme réassurance des citoyens et des nations contre les risques globaux du XXIe siècle.
L’épidémie de Covid constitue un ultime avertissement. Elle place chaque Français devant les conséquences très concrètes de la dégradation des services publics alors que leur coût explose, de l’euthanasie de notre industrie, du sous-investissement dans la recherche, de l’exode des talents et des cerveaux, des impasses d’une construction européenne bloquée par la divergence entre la surpuissance de l’Allemagne et le décrochage de la France.
L’élection présidentielle de 2022 doit être l’occasion de passer de la prise de conscience à l’action pour reconstruire notre pays, comme en 1945, en nouant un nouveau pacte économique, social et politique. Tocqueville soulignait que « si les Français qui firent la Révolution étaient plus incrédules que nous en fait de religion il leur restait du moins une croyance admirable qui nous manque : ils croyaient en eux-mêmes ». Pour se redresser, la France manque aujourd’hui moins de ressources que de confiance.
Elle ne peut renaître qu’à trois conditions : la sortie du déni pour affronter la vérité ; la définition d’un projet pour la nation ; le pari sur l’énergie des Français et non sur l’arrogante impuissance d’un État qui doit être radicalement réformé.
(Chronique parue dans Le Figaro du 29 mars 2021)