Dans Le Figaro, le débat entre Nicolas Baverez et François Lenglet sur les conséquences des nouvelles mesures de confinement qui devraient être annoncées.
LE FIGARO. – François Lenglet, dans votre nouveau livre intitulé Quoi qu’il en coûte ! , vous posez la question : « Qui va vraiment payer ? » Alors, qui va payer la dette ?
François LENGLET : L’épargnant, comme toujours ! Et en particulier les classes moyennes et les classes populaires. Quand vous avez une bonne expertise sur les placements et un capital suffisamment important – c’est-à-dire en général une mobilité internationale forte – , vous vous en sortez toujours.
Pour comprendre cela, il faut agrandir la focale temporelle. La tendance à l’endettement par la création monétaire était antérieure à la crise sanitaire. Elle date de la crise de 2008-2009. En 2007, c’est le secteur privé, trop endetté, qui est sauvé par les États, assureurs en dernier ressort. Ceux-ci voient leur dette augmenter de 30 % du PIB environ. Et voilà que la crise sanitaire arrive. Ce sont alors les États qui ploient sous la dette, il faut faire appel à un nouveau sauveteur, le dernier, les banques centrales. Lorsque nous aurons consommé la crédibilité à la fois de l’État et de la banque centrale, il n’y aura plus qu’à aller voir sur la lune ou sur mars ! Si vous avez épuisé saint Bernard, saint Bernard ne peut plus vous sauver. Dans le recours croissant et systématique à cette technique d’endettement par la création monétaire, nous sollicitons de plus en plus saint Bernard, qui ploie sous un fardeau de plus en plus lourd. Le krach est donc la première route possible.
La deuxième est l’inflation. Il y a de nombreux exemples, dans l’histoire, de la perte de confiance dans la monnaie, qui provoque un mouvement d’achat massif, débouchant sur la hausse des prix et donc la dévalorisation de la monnaie. Cette confiance, c’est comme la lumière électrique : allumée ou éteinte, il n’y a pas d’état intermédiaire. Soit nous avons totalement confiance dans la monnaie – c’est ce que nous avons connu pendant quarante ans –, soit nous n’avons plus confiance du tout. C’est à ce moment-là que pour se protéger les consommateurs achètent massivement – et c’est ce que nous avons vu à travers la crise grecque il y a quelques années – car ils ne veulent pas conserver l’argent sur un compte dont ils savent bien qu’il sera démonétisé. L’inflation est bien une autre façon de parvenir à la destruction du stock de capital qui accompagne toujours une phase de nettoyage des dettes. Une opération qui est à la fois dangereuse, parce qu’elle s’accompagne de troubles sociaux et politiques, et nécessaire, pour libérer l’économie de ce fardeau excessif, et retrouver des perspectives de croissance et d’emploi. C’est ce que Keynes appelait l’« euthanasie des rentiers ».
Nicolas BAVEREZ : Les vagues historiques d’endettement des États correspondaient jusqu’au XXe siècle aux périodes de guerres. Après les guerres mondiales, c’est l’inflation – et accessoirement la croissance – qui a permis d’écraser les dettes. L’inflation réalise l’euthanasie de l’épargnant. La Première Guerre mondiale a été fatale aux rentiers. Les dettes des grandes démocraties, qui atteignaient 180 % du PIB en 1945, ont été effacées de la même manière au cours des Trente Glorieuses.
Il existe quatre moyens de réduire la dette. Le premier moyen est la croissance : mais le potentiel d’activité de la plupart des pays développés sortira amputé du choc d’offre provoqué par l’épidémie, notamment en France, où les pôles d’excellence que constituaient l’aéronautique, l’hôtellerie et la restauration, le tourisme, la culture et les loisirs sont laminés, amputant durablement la richesse nationale de l’ordre de 6 %. Le deuxième instrument est l’inflation…
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