Le Covid-19 n’a fait que renforcer le totalitarisme et l’impérialisme de Xi Jinping. Heureusement, la résistance s’organise dans le reste du monde.
L’épidémie de Covid-19 agit comme un révélateur et un accélérateur des transformations du XXIe siècle. Elle acte la désintégration de l’ordre de 1945. Elle consacre l’effacement du leadership des États-Unis, paralysés par leur Pearl Harbor sanitaire, la pire récession depuis les années 1930 et une vague de 48 millions de chômeurs. Et marque, sans nul doute, la percée de la Chine.
L’affirmation de la Chine communiste se traduit par le durcissement du totalitarisme à l’intérieur et de l’impérialisme à l’extérieur. La pandémie, dans laquelle la responsabilité de Pékin est lourdement engagée, a fourni l’occasion à Xi Jinping de renforcer le contrôle idéologique et la surveillance de la population. Le confinement puis la sécurité sanitaire ont justifié une floraison d’innovations technologiques permettant le suivi en temps réel des individus par l’État : reconnaissance par la rétine, géolocalisation, croisement des données de santé et des informations sur les déplacements, surveillance par drones. Simultanément, la persécution des chrétiens et des Ouïgours du Xinjiang a été systématisée. Les ultimes manifestations de résistance ont été écrasées, avec pour symbole l’arrestation, le 6 juillet, du Pr Xu Zhangrun, dernière grande figure de la dissidence depuis la mort en détention du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, en 2017.
La nature totalitaire du régime a pour pendant une extrême agressivité sur le plan diplomatique et stratégique. Et ce, en toute impunité du fait de la tétanie et des divisions des démocraties.
La liste des coups de force et des atteintes au droit international de la part de la Chine est longue :
- Imposition le 1er juillet de la loi de sécurité nationale à Hongkong, qui crée un état d’exception au bénéfice de la sécurité d’État de Pékin, suivie d’une vague d’arrestations et de la mise en demeure adressée à Google, Facebook, WhatsApp et Twitter de communiquer aux services de sécurité l’ensemble des données de leurs utilisateurs.
- Accroissement des pressions politiques et militaires sur Taïwan.
- Affrontements meurtriers le 15 juin avec l’Inde dans la vallée de Galwan, dans la région contestée du Ladakh.
- Mise en place d’un embargo sur les importations de bœuf et cyberattaque massive contre l’Australie en représailles à sa demande d’une enquête indépendante sur l’origine de l’épidémie de Covid-19.
- Accélération de la prise de contrôle d’entreprises stratégiques et d’infrastructures essentielles, y compris en Europe, via la conversion des dettes contractées. Cyberfrappes contre les hôpitaux et manipulation de l’opinion des démocraties en pleine pandémie…
Cet activisme s’inscrit dans une stratégie de long terme pour conquérir le leadership mondial, revendiqué par Xi Jinping depuis le XIXe Congrès du Parti communiste. Cette dernière passe notamment par l’avance technologique dans les domaines clés du numérique, de l’intelligence artificielle ou de la transition écologique et assume sans complexe la menace du recours à la force, qui s’appuie sur le déploiement de la deuxième marine de haute mer, la militarisation à marche forcée de l’espace et des opérations de cyberguerre contre des cibles civiles ou militaires.
Les ambitions de Pékin ont été servies par la décomposition du leadership des États-Unis, la présidence de Trump constituant le plus beau cadeau jamais fait au totalitarisme chinois. Pour autant, la démesure de la politique de Xi Jinping rencontre de plus en plus de résistances. Une prise de conscience s’opère même en Europe, comme l’a montré la fermeté inattendue de l’Union lors du dernier sommet avec Pékin, concernant la menace que représente la Chine pour la démocratie. En Asie, l’Inde, qui vient d’interdire l’utilisation sur son territoire de 54 applications chinoises dont TikTok, se rapproche du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour contrer l’expansion chinoise.
La Chine constitue aujourd’hui la première menace pour la liberté et la paix dans le monde. Hongkong est à la guerre froide du XXIe siècle ce que Berlin fut à celle du XXe siècle. Et, sous l’abolition du principe de Deng Xiao Ping « un pays, deux systèmes », pointe l’ambition planétaire de Xi Jinping : « un monde, un système ». Il est donc grand temps que les démocraties opposent à Pékin, comme elles surent le faire face à l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale, une stratégie globale de cantonnement. Celle-ci devrait exploiter les faiblesses réelles du modèle chinois, selon cinq axes : la formation d’une nouvelle alliance des démocraties intégrant les nations libres d’Asie – dans laquelle l’Europe devrait prendre toute sa part ; le désencerclement grâce à une politique de codéveloppement avec les émergents et à un réinvestissement massif dans les institutions multilatérales ; le rééquilibrage économique à travers la relocalisation des activités stratégiques et l’exigence d’une réciprocité systématique dans les échanges ; la reprise de l’avantage dans la compétition technologique ; le combat des idées en réaffirmant la valeur universelle de la liberté politique et des droits de l’homme.
(Article paru dans Le Point du 16 juillet)