La refondation de l’Europe est impossible sans un engagement sans faille de l’Allemagne, du fait de son poids économique.
Le Royaume-Uni déplore 44 000 morts, dont plus de la moitié, selon le professeur Neil Ferguson de l’Imperial College, auraient pu être évités si Boris Johnson n’avait pas tardé à décider le confinement. La chute de l’activité devrait s’élever à 11,5 % du PIB, mettant plus de 10 % de la population active au chômage et provoquant l’envolée de la dette au-delà de 100 % du PIB. L’épidémie annihile par ailleurs la stratégie de Global Britain en raison de la reconstitution des frontières nationales, tandis que le Royaume-Uni se trouve coupé du grand marché et de la relance européenne au moment où la mondialisation se restructure autour de grands blocs régionaux.
Le Brésil compte 60 000 morts et exporte l’épidémie dans toute l’Amérique Latine, en raison de la lutte engagée par Jair Bolsonaro non pas contre le virus mais contre les moyens de l’endiguer, notamment à travers l’organisation de manifestations pour s’opposer au confinement. En dépit du choix revendiqué de l’économie contre la santé, le PIB s’effondrera de plus de 8 % du PIB en 2020, entraînant une explosion du chômage à 18 % de la population active et de la dette jusqu’à 90 % du PIB.
Rien ne prédisposait les États-Unis, le Royaume-Uni et le Brésil à subir de telles catastrophes. L’origine du désastre est politique, intimement liée à la personnalité égotique et au mode de gouvernement de dirigeants populistes qui cultivent le déni de la réalité, le mépris pour la science, le primat des émotions sur la raison, la confusion permanente entre la conduite de l’État et leurs affaires personnelles.
À l’inverse, force est de constater que ce sont des démocraties restées fidèles à leurs valeurs, à la mécanique des contre-pouvoirs et à l’État de droit qui ont le mieux résisté au choc sanitaire et économique, de la Corée du Sud et de Taïwan à l’Allemagne et la Suisse en passant par la Nouvelle-Zélande.
Angela Merkel en est le symbole. Pour autant, l’épidémie est très loin d’avoir éradiqué le populisme.
Tout d’abord, face à leur échec avéré, les dirigeants populistes font le choix de la fuite en avant dans la provocation, le déchaînement des passions et la mise en cause des principes démocratiques.
Surtout, la violence et la complexité d’une crise à la fois sanitaire, économique, sociale et politique renforcent les déterminants du populisme : la désintégration des classes moyennes, accélérée par les faillites en chaînes d’artisans, de commerçants et d’entrepreneurs comme par l’installation d’un chômage de masse ; l’explosion des inégalités ; la spirale de la haine sociale et des violences ; le repli communautaire et la fracturation des nations ; la défiance envers les institutions et les dirigeants des démocraties. Le risque d’une deuxième vague est donc encore plus élevé pour le populisme que pour le coronavirus.
Pour la deuxième fois en douze ans, les démocraties sont contraintes d’engager 20 à 30 % de leur PIB sous forme de dette publique supplémentaire pour éviter l’effondrement de l’économie et de la société. Il n’y aura pas de troisième fois. Contrairement au krach de 2008, la sortie de crise ne peut se limiter au réamorçage de l’économie de bulles.
Elle passe par la construction d’un nouveau pacte politique, économique et social, qui s’inspire des nations libres qui se sont montrées les plus résilientes face aux chocs du XXIe siècle : la Corée du Sud et Taïwan, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne ou la Suisse. Le véritable antidote au populisme, ce n’est pas le coronavirus mais la réinvention de la démocratie.
(Chronique parue dans Le Figaro du 13 juillet 2020)