Les coûts du confinement, sanitaires et humains, excèdent de plus en plus ses bénéfices. Plus il dure, plus il creuse les inégalités.
La France, faute d’anticipation et de réactivité de l’État, de matériel de protection, de lits de réanimation, n’a eu d’autre choix face à la pandémie de coronavirus que de mettre en place le confinement général de sa population, contrairement aux démocraties d’Asie ou à la Suède.
La mise à l’arrêt de la vie nationale a contraint l’État à réassurer l’économie. Pour la deuxième fois en un peu plus de dix ans, la dette publique va ainsi progresser de 20 à 30 % du PIB pour amortir un choc majeur. Il en va du confinement comme de la guerre selon Machiavel : on y entre facilement et quand on veut ; on en sort difficilement et quand on peut.
En France, la faillite des autorités de santé publique est en passe d’installer le confinement dans une durée longue. En témoignent les déclarations du Pr Jean-François Delfraissy qui, saisi par la démesure et outrepassant les limites de sa fonction de président du Conseil scientifique, a annoncé devant le Sénat la poursuite de l’obligation de confinement après le 11 mai pour 18 millions de Français. Or les coûts du confinement excèdent de plus en plus ses bénéfices. Les coûts du confinement sont d’abord sanitaires et humains. Plus on confine et moins l’on fait progresser l’immunité collective, seule solution en l’absence de vaccins et de traitements.
Les pathologies autres que le coronavirus ne sont plus prises en charge, les Français ayant désormais peur de se rendre chez leur médecin ou dans les hôpitaux, qui ont par ailleurs été vidés autoritairement de l’immense majorité de leurs patients – dont certains réclamant des soins urgents – pour libérer des lits.
Enfin les désordres psychosociaux provoqués par le confinement se révèlent gigantesques et durables.
Sous l’illusion que l’État paiera, pointe une débâcle économique et sociale sans précédent. Deux mois de confinement laisseront la France avec une chute de 10 % de son PIB, un déficit de 12 à 15 % du PIB et une dette publique de plus de 120 % du PIB. Des milliers d’entreprises vont faire faillite, notamment des TPE, et nombre des 8,7 millions de chômeurs partiels ne retrouveront pas leur emploi, avec pour conséquence la montée de la pauvreté. Enfin plus le confinement dure et plus il creuse les inégalités, qu’il s’agisse de revenus et de patrimoine, d’éducation ou de santé.
La crise creuse aussi les écarts entre les nations, notamment en Europe et dans la zone euro. La prolongation du confinement en France contraste avec l’accélération du déconfinement en Allemagne, en Autriche, en Norvège, au Danemark ou en Suisse.
Le déconfinement tardif et partiel freinera le redémarrage de l’économie française, l’enfermant dans la stagnation, le chômage structurel et le surendettement. La France est entrée dans l’épidémie comme un pays intermédiaire entre le nord et le sud de l’Europe ; elle en sortira comme un pays du Sud, dont la souveraineté sera aliénée et remise entre les mains des pays d’Europe du Nord et des marchés financiers.
Le confinement pervertit enfin notre démocratie. Hantés par la multiplication des procédures judiciaires, les dirigeants abdiquent leur responsabilité au profit de l’improbable Conseil scientifique.
Les politiques font de la médecine et les médecins font de la politique, alors qu’ils n’en ont ni la compétence ni la légitimité. John Maynard Keynes s’inquiétait à raison que « les économistes sont au volant de notre société alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière ». L’épidémie les a remplacés par une poignée de mandarins, dont les décisions sont aussi définitives que leurs connaissances du coronavirus restent incertaines. Enfin l’État de droit est suspendu. Le Parlement s’est mis entre parenthèses, à l’image de l’Assemblée nationale qui a décidé de siéger en « comité restreint » sans aucune base légale, tandis que l’activité de la Justice s’est interrompue. Le principe de précaution n’a pas protégé la France de l’épidémie mais il va réussir à ruiner son économie et ses libertés.
Voilà pourquoi il est vital d’anticiper et d’activer le déconfinement.
En réunissant les conditions de son succès, à savoir la mise à disposition de masques pour tous les Français, la généralisation des tests, le recours à un traçage numérique temporaire, la possibilité de quarantaines individuelles et la montée en puissance des capacités de réanimation. En rouvrant au plus vite les régions où le nombre de malades est très faible. En préparant des plans de reprise de l’activité dans les administrations et les entreprises garantissant la sécurité des agents publics et des salariés. En faisant la pédagogie de la reprise qui exigera la mobilisation de tous et la plus grande flexibilité pour rattraper la production et les heures de travail perdues. En rétablissant le fonctionnement normal des pouvoirs publics et de notre démocratie, à commencer par la définition d’une stratégie assumée de déconfinement par les responsables politiques, la remise en marche des contre-pouvoirs législatif et judiciaire, la libération du débat public.
(Chronique parue dans Le Figaro du 20 avril 2020)