Sous la pression des consommateurs, les entreprises se convertissent à marche forcée à la transition écologique.
Le réchauffement climatique est un des risques majeurs du XXIe siècle. La hausse aujourd’hui programmée de 3 à 4,5 degrés de la température de la planète à l’horizon de 2100 pourrait désertifier des régions entières, provoquer la hausse des océans et l’acidification de leurs eaux, entraîner la disparition de 5 % à 16 % de la biodiversité. Les agglomérations géantes où vivront la majorité des 11,5 milliards d’hommes seraient invivables et régulièrement ravagées par des catastrophes. Le nombre des réfugiés climatiques exploserait.
Le risque est immédiat. Depuis 1995, la température moyenne mondiale a augmenté de 0,4 degré et le niveau des océans, de 8 centimètres. La multiplication des événements climatiques extrêmes et leur intensité croissante ont provoqué des dommages estimés à 1 100 milliards de dollars aux États-Unis depuis 1980. En 2016 ont été recensés 23,5 millions de réfugiés climatiques.
Force est pourtant de constater que l’euphorie née de l’accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015 par 195 États à l’issue de la COP21, est largement retombée. L’objectif était de limiter l’augmentation de la température mondiale à 2 degrés et si possible de 1,5 degré par rapport à son niveau préindustriel à l’horizon de 2100. Or les émissions de carbone, après une pause de trois ans, ont progressé de 2 % en 2016, ce qui implique une hausse de 1,5 degré en 2050 et de 3,5 degrés en 2100.
Surtout, le 1er juin dernier, Donald Trump a annoncé le retrait de l’accord de Paris des États-Unis, qui sont, après la Chine, le deuxième pollueur de la planète avec 14 % des émissions.
Loin d’enclencher une cascade de départs, cette décision est restée isolée, remobilisant plutôt dirigeants et citoyens. Mais les contributions nationales demeurent lacunaires et le financement du Fond vert destiné à financer la transition écologique est largement compromis par l’absence des États-Unis. La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas pour autant perdue. Mais elle suppose un changement radical de méthode et de rythme. La transition écologique exige de l’ordre de 20 000 milliards de dollars d’investissements d’ici à 2030, dont plus de 60 % dans les pays émergents, notamment pour limiter le recours au charbon, dont la consommation continue à augmenter de 5 % par an, et beaucoup plus en Chine et en Inde. Cet effort financier est hors de portée des seuls États qui sont surendettés (85 % du PIB dans le monde et 120 % du PIB pour les pays développés).
Les États ont principalement agi à travers leurs instruments classiques : la réglementation et la fiscalité.
La faiblesse des résultats illustre leurs ambiguïtés. Quatre objectifs devraient être privilégiés à l’avenir par les puissances publiques comme par les institutions multilatérales – FMI et Banque mondiale en tête : la suppression des subventions en faveur de l’extraction et de la consommation d’énergie fossile ; le soutien de la recherche ; la mise en place d’une fiscalité environnementale ayant pour contrepartie la baisse des impôts et des charges sur le travail ; la mise en place progressive d’un marché planétaire du carbone à partir de la vingtaine de systèmes existants qui couvrent environ 12 % des émissions.
Au lieu de saborder l’accord de Paris, le coup de force de Donald Trump a accéléré la mobilisation des gouvernants et des acteurs non étatiques.
Ainsi, la protection de l’environnement a été érigée par le XIXe Congrès du PCC en priorité de la conversion du modèle économique de la Chine qui entend désormais prendre le leadership des énergies renouvelables et du véhicule électrique tout en réduisant la place du charbon. Aux États-Unis, 2 500 collectivités et institutions ont repris à leur compte l’engagement de diminuer de 26 % à 28 % les émissions sur le sol américain d’ici à 2025.
Le changement le plus rapide et le plus décisif vient cependant des acteurs économiques et sociaux. Sous la pression des consommateurs, les entreprises se convertissent à marche forcée à la transition écologique, à l’image de l’industrie automobile à la suite du Dieselgate. Le développement durable ne relève plus de la recherche à bon compte d’un supplément d’âme mais d’une condition vitale pour produire et pour vendre. Les technologies propres, aidées par la révolution numérique, effectuent des avancées majeures dans les secteurs clés du transport, de l’agriculture et du bâtiment, qui représentent respectivement 28 %, 20 % et 19 % des émissions. Simultanément, les fonds souverains mais surtout les banques et les fonds d’investissement se détournent des énergies fossiles, mettent sous surveillance les entreprises polluantes et investissent massivement dans les technologies vertes.
La dynamique de la transition écologique est bel et bien lancée. Elle peut servir de laboratoire à la communauté internationale dans la gestion des risques globaux du XXIe siècle comme aux États dans la reconfiguration de leurs instruments d’intervention. Les deux mamelles de la lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas les taxes et les normes mais le marché et l’éducation.
(Chronique parue dans Le Figaro du 18 décembre 2017)