Le quinquennat qui s’ouvre constitue la dernière chance de réformer la France. Le pays ira soit vers le redressement soit vers un déclin inexorable.
L’histoire grandit les hommes d’État et écrase les médiocres qui n’ont pas le talent de leurs ambitions. L’Emmanuel Macron se trouve désormais face à elle. Son élection à la présidence de la République est l’aboutissement d’une trajectoire personnelle sans précédent par sa rapidité, par son audace, par sa rupture avec le système et les usages politiques français. Elle fait porter sur lui une responsabilité immense dans une période critique pour notre pays.
La France fait exception au sein des démocraties par son profil particulièrement heurté, qui fait alterner des phases de décrochages abyssaux et de redressements brillants. Nul ne peut douter qu’elle affronte aujourd’hui l’une des vertigineuses descentes en vrille dont elle a le secret. Le cycle électoral de 2017 a ainsi mis pleinement en lumière non seulement le déclin économique et social mais les fractures de notre nation et les fragilités de notre démocratie.
Le quinquennat de François Hollande a formidablement accéléré la crise économique et sociale, reléguant notre pays en queue de peloton de la zone euro. La croissance plafonne légèrement au-dessus de 1 % par an et la production industrielle reste inférieure de 10 % à son niveau de 2007. Le PIB par habitant régresse et se situe désormais au 28e rang mondial. Le chômage a continué à progresser alors qu’il reculait partout ailleurs, touchant 10 % de la population active. Le déficit commercial s’élève à 2,2 % du PIB, illustrant la perte de compétitivité. Le déficit public s’affiche à 3,3 % du PIB, contre 1,5 % en moyenne dans la zone euro et la dette poursuit sa course folle pour s’établir à 2 150 milliards d’euros alors que les taux d’intérêt amorcent leur remontée.
Le quinquennat qui s’ouvre constitue ainsi la dernière chance de réformer la France en lui évitant une nouvelle révolution, conduite, comme dans les années 1930, par l’extrême droite. Les cinq années qui viennent seront décisives. La France ira soit vers le redressement soit vers un déclin inexorable. Et Emmanuel Macron restera dans l’histoire soit comme le président du sursaut soit comme le président du sursis qui aura différé puis accompagné la marche de l’extrême droite vers le pouvoir.
Aussi convient-il de tirer toutes les conséquences des échecs des quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande, comme des expériences réussies de modernisation dans les autres démocraties. Le quinquennat ne laisse aucun droit à l’erreur et n’accorde pas de seconde chance : il faut d’emblée investir tout le capital politique que confère l’élection présidentielle sur les bonnes priorités. Ensuite, il faut définir une voie nationale de redressement qui s’appuie sur les atouts dont notre pays ne manque pas : démographie, talents et cerveaux, épargne, pôles d’excellence publics et privés, French Tech, infrastructures, diplomatie et défense, patrimoine, culture et mode de vie. Enfin, il faut mobiliser les citoyens et savoir réconcilier la nation autour d’un projet collectif.
La tâche est assurément très difficile mais elle n’est nullement désespérée. Emmanuel Macron pourra compter sur une dynamique favorable. La zone euro, à l’égale de l’économie mondiale, poursuit son redressement qu’accélérera la réduction des risques politiques. Les capitaux reviennent vers l’Europe et le Brexit crée une opportunité unique pour relancer Paris comme place financière et métropole globale. L’image de la France est en voie d’amélioration.
Le destin du quinquennat se jouera sur la capacité d’Emmanuel Macron à engager avant la fin de 2017 la transformation du modèle français tout en évitant que le pays bascule dans la violence, attisée par les extrémistes. Les réformes prioritaires sont connues : baisse de la fiscalité et des charges sur les entreprises, flexisécurité du travail, reconfiguration du système éducatif, redéfinition de la stratégie de sécurité. Elles ont pour nécessaire pendant des mesures concrètes afin de répondre aux difficultés et au déclassement de la France périphérique. Elles ont pour corollaire une refondation de l’Union en direction de l’emploi, de la jeunesse et de la sécurité, notamment à travers le contrôle de ses frontières extérieures.
Emmanuel Macron ne disposera d’aucun état de grâce pour investir la fonction présidentielle. Il devra rompre avec l’indécision et le nihilisme de François Hollande. Il devra conjurer la tentation d’être aimé à tout prix pour choisir la voie du courage, imposer le renouveau, insuffler la confiance. Alexis de Tocqueville remarquait dans L’Ancien Régime et la Révolution que : « Si les Français qui firent la Révolution étaient plus incrédules que nous en fait de religion, il leur restait du moins une croyance admirable qui nous manque : ils croyaient en eux-mêmes. » Puisse Emmanuel Macron rendre aux Français la foi dans leurs capacités et dans celles de la France à réussir au XXIe siècle.
(Chronique parue dans Le Figaro du 02 mai 2017)