Entre populistes et réformistes se dessine pour notre pays un choix cardinal : basculer du déclin à la décadence, ou bien refaire la nation.
Jamais depuis la fondation de la Ve République l’élection présidentielle n’a été aussi décisive. Le quinquennat de François Hollande laisse la France à l’état de champ de ruines : accélération sans précédent du décrochage économique et social ; risque de faillite financière avec une dette publique de 2 160 milliards d’euros que les investisseurs asiatiques et nord-américains vendent désormais massivement ; société profondément divisée et minée par la violence ; risque terroriste endémique ; marginalisation en Europe et dans le monde ; désintégration du système et de la classe politiques.
Les Français doivent impérativement saisir l’ultime chance de redressement de leur pays par la voie démocratique. Leur responsabilité s’étend aussi au-delà des frontières. Une sortie de la France hors de l’euro condamnerait la monnaie unique comme l’Union européenne tout en débouchant sur un défaut indissociable d’un krach mondial. À l’inverse, après les chocs du Brexit et de l’élection de Donald Trump, un coup d’arrêt donné au populisme lancerait le signal d’un ressaisissement des démocraties.
Face à ces enjeux, la campagne a été d’une affligeante médiocrité. Les débats vitaux autour de la reconstitution d’une production compétitive, du retour à l’équilibre des finances publiques, de l’éducation et de la santé, de la sécurité nationale ou de la refondation de l’Union européenne ont été occultés ou tronqués. Au fil des jours, le principe du mieux-disant démagogique n’a cessé de gagner, avec la multiplication des promesses ruineuses, de la retraite à 60 ans à la semaine de 32 heures en passant par la taxation des importations et des robots, la suppression de facto de la taxe d’habitation, le droit opposable à l’emploi, le revenu universel, la nationalisation de pans entiers de l’économie, le financement de l’État par la planche à billets, le retour au franc ou l’adhésion à l’Alliance bolivarienne. Simultanément, le débat s’est ensauvagé, les postures se sont radicalisées, les mots ont versé dans l’excès, les attaques personnelles ont chassé les idées.
Tout ceci transforme le premier tour de l’élection présidentielle en une quadrangulaire inédite où tout devient possible. Tout ceci fait le jeu des candidats populistes, la rhétorique écrasant le réel, les passions agitées par les tribuns bousculant les programmes réformistes, l’affrontement entre la France périphérique et la France incluse fracassant les clivages traditionnels entre la droite et la gauche dites de gouvernement.
Dès lors, l’esprit critique est plus que jamais nécessaire, qui invite à creuser sous l’éclat des mots pour faire apparaître la vérité des faits. Sous l’éblouissant talent de Jean-Luc Mélenchon pointent une stratégie économique à la Chavez – qui a ruiné l’un des pays les plus riches du monde en conjuguant chute de l’activité de 15 % par an, inflation de 600 % et paupérisation absolue de la population dont une large partie a été réduite à l’état de mendiants et de boat people – mais aussi l’éclatement de la monnaie unique et un pacifisme intégral suicidaire au moment où s’affirment les menaces des djihadistes et des démocratures. Sous le pseudo-patriotisme de Marine Le Pen s’affirment un nationalisme intégral, un socialisme radical – plus extrême encore que la frénésie réglementaire et fiscale de François Hollande – et un projet de sortie de l’euro indissociable d’un défaut sur la dette française qui implique une explosion du chômage et de l’inflation ainsi qu’une chute d’au moins 20 % du pouvoir d’achat des Français. Dans les deux cas, promesses et belles paroles débouchent sur le chaos, la misère et, à terme, la remise en cause des libertés.
Ce que la classe politique a spectaculairement raté, les Français doivent l’imposer. Cette campagne indigne a été placée sous le signe de l’émotion et de la violence. Le vote doit être dominé par la raison et le civisme. Il reste parfaitement possible de remettre la France au diapason du monde moderne. Elle continue à disposer d’atouts majeurs, au premier rang desquels le talent des Français. Les remèdes à ses maux sont parfaitement connus. Le Brexit constitue une occasion unique de relancer la place financière et de refaire de Paris une ville-monde tout en permettant de rééquilibrer la relation franco-allemande. La résistance à la poussée populiste renouerait le lien historique de la France avec la liberté et réhabiliterait son image. Le rassemblement des réformistes pourrait rénover la vie publique tout en constituant le socle politique et sociologique de la modernisation.
Sous l’opposition entre populistes et réformistes se dessine pour notre pays et ses citoyens un choix cardinal : basculer du déclin à la décadence en paupérisant les Français et en poussant la France hors de l’histoire ; ou bien renouer avec la croissance et le plein-emploi, refaire la nation et lui rendre son rang parmi les nations qui comptent au XXIe siècle. Voilà pourquoi le premier tour de cette élection présidentielle est déterminant. Voilà pourquoi, si douloureuses soient les frustrations ou les déceptions, l’abstention ou les votes tactiques ne sont pas une option. Voilà pourquoi, le 23 avril, pas une voix ne doit manquer pour assurer la revanche de la raison sur les forces qui jouent des peurs et du chaos.
(Chronique parue dans Le Figaro du 18 avril 2017)