La sortie de l’euro se traduirait, au plan économique, par une chute du PIB de 10 à 15 %, la destruction de millions d’emplois, l’amputation du quart des revenus des Français.
Opposons les faits aux démagogues. Au principe du malheur français, on trouve le décrochage de notre économie qui est enfermée, depuis près de quatre décennies, dans une spirale de décroissance, de chômage de masse, de déficits commerciaux, d’explosion de la dette publique qui atteindra 100 % du PIB en 2017. Face à cette situation critique, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon proposent de renouer avec une économie fermée et administrée autour de trois axes : la relance des dépenses publiques de 150 milliards d’euros pour la première, 300 milliards d’euros pour le second ; la mise en place d’un protectionnisme indissociable de la rupture avec le grand marché européen ; la sortie de l’euro assumée par le Front national et implicite pour La France insoumise dès lors que les conditions exigées pour pérenniser la monnaie unique (dévaluation de l’euro, fin du pacte de stabilité, suppression de l’indépendance de la Banque centrale européenne) violent les traités européens tout en étant inacceptables pour nos partenaires.
Qu’en résulterait-il pour les Français ? La hausse des dépenses publiques, qui culminent déjà à 57,5 % du PIB – soit un record dans le monde développé -, peut être financée de trois manières. L’augmentation supplémentaire des impôts, alors que croissance et emploi ne se sont pas encore relevés du choc fiscal de 65 milliards d’euros décidé en 2012 par François Hollande. La dette publique, alors qu’elle atteint 2 160 milliards d’euros et que les taux d’intérêt à 10 ans sont remontés d’un point depuis l’été 2016, ce qui représentera 12 milliards d’euros de charges supplémentaires au cours du prochain quinquennat. La planche à billets en cas de sortie de l’euro avec pour conséquence une forte inflation et le risque d’un défaut à moyen terme. Dans tous les cas, l’inflation, qui s’élèvera rapidement entre 7 et 10 % par an, laminera les revenus et les patrimoines des ménages tandis que la hausse des taux d’intérêt bloquera l’investissement, aggravant l’obsolescence de notre appareil de production.
Le protectionnisme n’est jamais unilatéral. La sortie du grand marché européen, le plus vaste et le plus riche du monde avec ses 510 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat, ainsi que l’application en retour de barrières douanières et d’obstacles réglementaires, entraîneraient une diminution du quart à la moitié des exportations françaises. Or elles représentent 30 % du PIB et génèrent plusieurs millions d’emplois. La production nationale se révélera incapable de se substituer aux importations dans de nombreux secteurs, provoquant des goulets d’étranglement pour les entreprises et des pénuries pour les consommateurs. Les mesures protectionnistes déclencheront un exode des cerveaux et des entrepreneurs, des activités et des capitaux, en même temps que l’arrêt des investissements étrangers qui créent plusieurs dizaines de milliers d’emplois chaque année.
La rupture la plus brutale reste cependant la sortie de l’euro. Elle s’effectuera immanquablement sur fond de vives tensions avec nos partenaires européens et de violente crise financière, dès lors que le départ de la France signifie le démantèlement de la monnaie unique, du grand marché et de l’Union européenne.
Le retour au franc implique une dévaluation de 15 à 20 % de notre monnaie qui nécessitera la mise en place d’un contrôle des changes strict pour tenter de prévenir la fuite massive des activités et des capitaux, comme en Grèce ou à Chypre. Le montant de la dette publique se trouvera augmenté de 320 milliards d’euros si la dévaluation est de 15 % et de 430 milliards d’euros si 20 %. Les taux seront au minimum relevés de 3 à 4 points, comme en Italie en 2011, gonflant le service de la dette de plus de 30 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de la défense. Il en ira de même pour la dette des banques, des assurances et des grandes entreprises, qui devront être nationalisées pour éviter la faillite. Au prix d’une accélération des dépenses publiques, donc des déficits et de l’inflation.
La sortie de l’euro se traduirait, au plan économique, par une chute du PIB de 10 à 15 %, la destruction de millions d’emplois, l’amputation du quart des revenus des Français. Elle conduirait au plan financier à un défaut de la France sur sa dette souveraine, ce qui n’est plus arrivé depuis la banqueroute des deux tiers décrétée par le Directoire en 1797.
La sortie de la zone euro est une stratégie d’autant plus absurde que ses performances s’améliorent nettement, avec une croissance supérieure à celle des États-Unis et du Royaume-Uni en 2016 ainsi qu’une baisse importante du chômage, des déficits et de la dette publics. Le redressement de la France est indissociable de la consolidation de l’euro et du grand marché.
(Chronique parue dans Le Figaro du 27 février 2017)