La France et l’Europe abordent des échéances décisives en 2017.
Au cours du quinquennat de François Hollande, la France est passée à côté de la reprise mondiale et de celle de la zone euro en dépit d’un contexte extraordinairement favorable. Le contre-choc pétrolier a transféré 3 % du PIB mondial des pays producteurs vers les pays consommateurs. La politique monétaire expansionniste poursuivie par la BCE pour lutter contre la déflation et le recours à des taux négatifs ont permis en 2016 à la France d’emprunter 187 milliards d’euros à un coût moyen de 0,37 %, fait sans précédent. Enfin, l’euro a fortement chuté face au dollar, favorisant la compétitivité-prix des exportations européennes.
Or, l’économie française n’a pas profité de ces conditions exceptionnelles pour se redresser. Pis, son décrochage s’est accéléré, notamment au sein de la zone euro. La croissance s’établit à 1,2 % contre 1,7 % chez nos partenaires. L’industrie est sinistrée jusqu’à ne plus représenter que moins de 11 % de la valeur ajoutée contre 17 % en moyenne dans les pays participant à la monnaie unique. La chute persistante de la compétitivité se traduit par un déficit commercial de 2,2 % du PIB qui contraste avec l’excédent de 2,4 % du PIB de la zone euro. Le chômage a été difficilement stabilisé autour de 10 % de la population active, installant 14,3 % de la population dans la pauvreté, quand il a régressé de 12,2 % à 9,8 % depuis 2014 autour de nous. Les dépenses, le déficit et la dette publique s’établissent à 57,5 %, 3,1 % et 98,4 % du PIB contre 47 %, 1,8 % et 90,6 % en moyenne pour les États participant à la monnaie unique.
La politique économique de Hollande, fondée sur un choc fiscal de près de 3 % du PIB ainsi que le matraquage des entreprises et des familles, a euthanasié l’activité et le travail, l’investissement et l’innovation dans une période de forte reprise et de retour au plein-emploi dans les grands pays développés. Le prochain président devra réformer profondément le modèle économique et social dans un environnement beaucoup plus difficile.
Hérodote rappelait que « la prospérité des hommes n’est jamais stable ». Aux risques politiques nés en 2016 de la déstabilisation du monde démocratique par le populisme à travers le Brexit et l’élection de Donald Trump s’ajouteront à partir de 2017 de fortes incertitudes économiques et financières. Elles pèseront particulièrement sur la France, ne laissant aucun droit à l’erreur à ses dirigeants comme à ses citoyens.
La configuration miraculeuse des dernières années n’est déjà plus. L’élection de Trump, son programme économique de baisse des impôts et d’investissements publics massifs dans les infrastructures, indissociables de la résurgence des déficits et de l’inflation, ont permis aux marchés de réaliser ce que les banques centrales peinaient à enclencher : la remontée des taux d’intérêt. La FED leur a emboîté le pas en relevant ses taux d’intervention entre 0,5 % et 0,75 %. L’effet est immédiat sur la dette souveraine française, qui culmine à 2 170 milliards d’euros, avec une hausse de quelque 60 points de base des taux à 10 ans en quelque six semaines.
Simultanément, le prix du baril de pétrole, qui était tombé jusqu’à 40 dollars, s’est redressé pour se stabiliser autour de 55 dollars en raison de l’accord de diminution de la production conclu le 30 novembre au sein de l’Opep auquel s’est ralliée la Russie. L’énergie n’est pas encore chère mais elle ne subventionnera plus la consommation.
Surtout, les risques politiques ont explosé. L’élection de Trump ouvre un cycle de démondialisation porté par le retour en force du protectionnisme qui réduirait fortement la croissance mondiale tout en renforçant les tensions internationales. L’Europe pourrait alors servir de variable d’ajustement à la guerre commerciale et monétaire entre les États-Unis et la Chine. Le Brexit fait peser une menace de désintégration de l’Union européenne et de son grand marché. L’échec du référendum sur la révision de la Constitution en Italie et la crise ouverte par la démission de Matteo Renzi relancent les interrogations sur la solidité de la zone euro, compte tenu de la situation financière de la péninsule qui conjugue une dette publique de 133 % du PIB et un système bancaire miné par 360 milliards d’euros de créances douteuses. Enfin, se dessine un cycle électoral à très haut risque dans la zone euro avec des scrutins majeurs aux Pays-Bas, en France, en Allemagne et probablement en Italie.
La France et l’Europe sont à une heure de vérité. L’année 2017 décidera de la capacité de l’Union européenne à se relancer ou à se déliter. Voilà pourquoi il ne faut se tromper ni sur le diagnostic, ni sur les remèdes, ni sur le contexte.
La dégradation de l’environnement économique et la volatilité de la situation géopolitique constituent des raisons supplémentaires d’agir fort et vite. Le cœur du déclin français reste l’effondrement de l’offre compétitive, dont la reconstitution est la clé du retour au plein-emploi et à l’équilibre financier. Pour autant, il n’y a pas de place pour une relance budgétaire ni d’alternative à une diminution effective des dépenses publiques dans un pays où elles culminent 10 points au-dessus de celles de nos partenaires tandis que les prélèvements obligatoires mobilisent 8,6 points de richesse nationale de plus qu’en Allemagne pour des services rendus à la population de moindre qualité. En Europe, la clé est le redémarrage du couple franco-allemand, conditionné par le relèvement de l’économie française.
Pour la France comme pour l’Europe, pour les citoyens comme pour les entreprises ou les investisseurs, la décision se fera autour de la capacité à réduire l’incertitude et à assurer la sécurité en tenant un cap clair. L’embardée nationaliste, protectionniste et isolationniste des États-Unis constitue un risque mais aussi une occasion historique pour notre pays et notre continent de reconquérir la maîtrise de leur développement économique, de leur organisation sociale et de la défense de leur liberté.
(Chronique parue dans Le Point du 19 décembre 2016)