La guerre qu’a déclarée l’État islamique à la France et à l’Europe a pour objectif de liquider notre civilisation comme la démocratie. Elle devra se conclure par la disparition de l’un des adversaires.
La campagne de terreur conduite par le terrorisme islamiste en Europe ne cesse de s’intensifier et de s’étendre, obéissant à une logique d’escalade dans l’horreur. L’Allemagne, longtemps épargnée, a été frappée quatre fois en une semaine alors qu’il célébrait la messe.
La multiplication des attentats témoigne de ce que la France et l’Europe sont devenues le théâtre d’opération prioritaire de l’État islamique depuis son recul au Moyen-Orient. Elle souligne leur vulnérabilité face au terrorisme de proximité et à l’ascension aux extrêmes de la violence, qui remettent en cause leurs institutions et leur mode de vie. Les menaces sécuritaires minent l’économie, provoquant la fuite des capitaux et des activités, des entrepreneurs et des touristes. La société est aspirée par une dynamique de peur et de haine. La démocratie est menacée par la disparition de la paix civile que l’État a pour première mission d’assurer.
L’État moderne a émergé en Europe à partir de la fin du XVIe siècle pour mettre fin aux guerres de religion. Inventé en France, l’État-nation s’est généralisé avec pour responsabilité de garantir la paix civile à l’intérieur et de défendre la souveraineté à l’extérieur. Les progrès de l’État de droit ont réduit fortement la violence à l’intérieur des démocraties. Les guerres mondiales du XXe siècle puis l’irruption de l’arme nucléaire ont conduit à un encadrement précaire mais bien réel de la guerre entre les États.
Ce sont ces quatre siècles chaotiques de limitation de la violence que le fanatisme islamiste réduit à néant. Le djihad est une guerre de religion planétaire. Comme toute guerre de religion, il est d’abord une guerre civile. Entre sunnites et chiites. Entre l’islam radical et l’Occident. Entre les combattants de l’État islamique et la majorité des citoyens de chaque nation.
L’exercice légitime de la violence est soumis à des contraintes politiques par l’État. La violence sort en revanche de tout cadre quand elle est censée répondre à une injonction divine qui non seulement l’autorise mais exige le meurtre de masse. Elle se diffuse et se banalise dans le tissu social, utilisant la mondialisation et les réseaux sociaux. Elle n’est plus le monopole des armées mais se trouve mise à portée de chaque individu, qui peut se transformer en terroriste de masse par le détournement d’objets quotidiens, du couteau au camion. Le terrorisme devient hybride, aux frontières des troubles mentaux, de la délinquance, de l’idéologie salafiste et de l’aspiration à la notoriété. Le front principal est intérieur, créant une tension majeure entre l’exigence de sécurité et l’État de droit.
La guerre qu’a déclarée l’État islamique à la France et à l’Europe a pour objectif de liquider notre civilisation comme la démocratie. Elle ne peut donc s’achever par une paix de compromis et devra se conclure par la disparition de l’un des adversaires. Pour l’heure, l’État islamique se trouve sur la défensive en Irak et en Syrie, mais il progresse en Afrique et plus encore en Europe. Ainsi, en France, un tiers des musulmans accordent à la charia une valeur supérieure aux lois de la République.
Nos armées tiennent leur rang au Moyen-Orient et au Sahel. Mais la société française est en passe de perdre la guerre sur le sol national. Depuis la tragédie de Nice, notre pays craque et cède à la panique et à la division. Faute de leadership politique, de consensus entre les partis, de stratégie, de mobilisation des citoyens, nous subissons au lieu d’agir, ce qui conduira demain à nous soumettre. François Hollande, en se berçant de mots, en désertant l’action et en institutionnalisant l’impuissance, enferme notre pays dans une alternative mortifère entre la sécurité ou la démocratie, l’état d’urgence ou l’État de droit.
Israël, mais aussi le Royaume-Uni face à l’IRA ou l’Espagne face à l’ETA montrent pourtant qu’il est possible de combattre le terrorisme sans dénaturer la démocratie ni renoncer à la légalité. L’Allemagne témoigne pour sa part d’une maturité et d’une résilience remarquables face à la première salve d’actes de terreur. Mais cette résistance est indissociable d’une adaptation permanente.
La France n’a d’autre choix qu’une radicale remise en question si elle ne veut pas être défaite. Dans la guerre qui se joue au sein de notre société comme dans l’économie mondialisée, le maillon faible est l’État. Les fonctions régaliennes ont été cannibalisées par la protection sociale. La justice, tout entière guidée par l’idée que la violence est avant tout économique et sociale, s’est entièrement investie dans la répression financière en désertant la lutte contre la délinquance qui fournit le terreau privilégié du terrorisme de proximité. L’éducation a renoncé à la transmission des valeurs et des connaissances pour sanctuariser l’inculture de masse. La politique économique a enraciné le chômage en détruisant systématiquement les sources de la croissance et de l’emploi. La société, l’entreprise et la famille sont étouffées par les réglementations malthusiennes, les impôts et les charges.
Pour défaire l’État islamique, nous devons conclure un nouveau contrat politique qui permette une stratégie cohérente de lutte contre le terrorisme islamique sur le territoire national. Autour de principes simples. Sortir du déni et cesser d’occulter le fait que l’islamisme est à l’islam ce que l’Union soviétique fut au marxisme. Réinvestir dans l’État régalien et la réduction des transferts sociaux. Lancer une Union pour la sécurité européenne. Mettre à la disposition de la police et de la justice des moyens d’anticipation et de prévention, ce qui implique notamment d’étendre la rétention administrative en cas de risque terroriste et de durcir les peines frappant le trafic et la détention d’armes. Détruire les sites djihadistes et réprimer sévèrement leur consultation. Réviser le droit de l’immigration et de l’asile en cohérence avec nos partenaires. Diffuser une culture de la sécurité auprès de l’ensemble des citoyens. Comme dans toute guerre civile, la victoire ou la défaite dépendront ultimement de la capacité de chacun d’entre nous à résister à la terreur sans renoncer à la liberté.
(Chronique parue dans Le Figaro du 1er août 2016)