Le référendum italien en octobre prochain peut accélérer la désintégration de l’Union européenne.
Le Brexit a souligné les risques liés à la montée du populisme en Europe, dans un environnement marqué par les pressions déflationnistes, la crise des classes moyennes, le désarroi identitaire, les risques sur la sécurité intérieure et extérieure. Or un nouveau scrutin décisif se déroulera en Italie en octobre prochain. Matteo Renzi jouera en effet son maintien à la présidence du Conseil avec le référendum sur la réforme de la Constitution de 1947, qui prévoit notamment la fin du bicaméralisme intégral.
Le pari politique engagé par Matteo Renzi ne se révèle pas moins risqué que celui perdu par David Cameron. L’Italie est en effet déstabilisée par quatre chocs. Le premier découle du ralentissement économique consécutif au Brexit, avec une croissance qui n’atteindra pas 1 % en 2016 et plafonnera à 1,1 % en 2017, ce qui freinera la lente amélioration du marché du travail.
Le deuxième provient de la crise des banques, qui ne peuvent répondre aux critères fixés par les régulateurs européens, dont les résultats seront publiés le 29 juillet, alors qu’elles croulent sous 360 milliards d’euros de créances douteuses et qu’elles sont touchées de plein fouet par les taux négatifs et par la remontée de la volatilité sur les marchés financiers (la Bourse de Milan a ainsi perdu près de 30 % en 2016).
Le troisième résulte de l’explosion des arrivées de migrants en provenance d’Afrique du Nord depuis la fermeture de la route des Balkans. Le dernier, qui fait directement écho au référendum britannique, est indissociable de la poussée du populisme, actée par la victoire des candidates du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo à Rome et Turin lors des élections municipales de juin.
Cette conjoncture dégradée explique l’exacerbation des tensions entre Matteo Renzi et la Commission européenne. Le débat autour de la flexibilité budgétaire a trouvé une issue avec l’approbation d’un déficit en hausse de 1,8 % à 2,3 % du PIB en 2016. La solution du différend autour du sauvetage des banques est en revanche aussi urgente qu’inconnue. L’insuffisance des fonds propres des banques italiennes est estimée à 50 milliards d’euros. L’application des nouvelles règles européennes dites du « bail in » conduirait à faire peser leur restructuration sur les actionnaires, leurs créanciers et leurs gros clients, soit plus de 6 % des ménages, ce qui équivaut à un suicide électoral. Par ailleurs, les banques italiennes portent plus de 200 milliards de dettes publiques et leur défaut relancerait la crise des risques souverains dans la zone euro.
Enfin, l’Europe laisse l’Italie en première ligne dans la crise des migrants, à laquelle elle n’a pour l’heure apporté aucune réponse crédible, qu’il s’agisse des conditions d’accueil des réfugiés, de la reconduite des déboutés ou de la reprise du contrôle des frontières extérieures de l’Union, particulièrement en Méditerranée.
La chute de Matteo Renzi, venant après le renversement de Pedro Passos Coelho au Portugal et l’ingouvernabilité de l’Espagne en dépit de deux scrutins en six mois, constituerait un échec majeur pour les réformes en Europe. En un peu plus de deux ans, Matteo Renzi a en effet réussi à moderniser le système politique national et régional ainsi que la justice, à introduire la flexibilité dans le marché du travail, à normaliser la fonction publique et à alléger la fiscalité.
Les résultats sont tangibles. L’Italie a renoué avec la croissance tout en créant 350 000 emplois qui ont permis de réduire le taux de chômage à 11,2 % de la population active, en réduisant les déficits publics et en dégageant un excédent commercial de 45 milliards d’euros en 2015.
La désintégration du système bancaire italien, dont le bilan s’élève à plus de 2 000 milliards d’euros, provoquerait par ailleurs une onde de choc sur l’ensemble du secteur financier et des dettes souveraines en Europe. Et ce, d’autant que la dette publique italienne représente 133 % du PIB. Surtout, la démonstration qu’il n’existe pas de base politique pour réaliser les réformes indispensables conduirait les investisseurs à quitter massivement notre continent, amplifiant la fuite des capitaux qui se dessine depuis le début de l’année 2016.
Le référendum italien marquera un tournant pour l’Italie comme pour l’Europe. Il peut accélérer la montée des populismes et la désintégration de la construction européenne ou leur donner un coût d’arrêt en devenant le laboratoire de l’indispensable refondation de l’Union européenne. Une Union qui doit répondre aux problèmes de ses citoyens en les protégeant et en les aidant à acclimater les changements nécessaires pour faire face aux risques du XXIe siècle.
En recapitalisant et restructurant les banques car c’est une priorité absolue pour endiguer la déflation par la dette, comme l’a établi Irving Fisher en 1933. En investissant dans les infrastructures et l’éducation. En favorisant l’innovation. En déployant une stratégie globale de gestion des migrants. En lançant une Union européenne de la sécurité dont la première mission consisterait à mettre en place une surveillance intégrée de la Méditerranée sous l’égide de Frontex. Pour l’Italie comme pour l’Europe, il faut sauver le soldat Renzi.
(Chronique parue dans Le Figaro du 25 juillet 2016)