La présidentielle de 2017 constitue la dernière chance de réformer le pays de manière démocratique, avant de le voir basculer dans la violence et l’extrémisme.
Le projet de loi sur le travail sur lequel Manuel Valls a engagé la responsabilité de son gouvernement devant le Parlement se réduit à beaucoup de bruit politique et un déchaînement de violences dans les rues pour un effet économique nul. Après la révision mort-née de la Constitution, au lendemain des attentats de novembre 2015, il symbolise le naufrage du quinquennat de François Hollande comme l’incapacité de la France à se réformer.
Au terme de cette nouvelle occasion manquée pour moderniser le marché du travail, la France ne créera pas les emplois qui permettraient de résorber l’anomalie d’un chômage de masse qui touche 5,7 millions de personnes. L’inemploi pourrait même augmenter si les contrats à durée déterminée devaient être surtaxés. En revanche, les désordres se sont généralisés dans le pays, pourtant placé en état d’urgence en raison de l’intensité de la menace terroriste. La défiance entre les citoyens comme entre la société civile et l’État sort renforcée.
Loin d’aller mieux, la France court à la faillite. Les atouts de notre pays restent cependant majeurs. Et les remèdes à ses maux sont parfaitement connus : le redressement des marges des entreprises pour relancer l’innovation, la flexibilité du travail, la refonte du système éducatif, la diminution des 5,64 millions de fonctionnaires et des dépenses publiques qui atteignent 57,5 % du PIB, le réinvestissement dans les fonctions régaliennes pour rétablir la paix civile. Mais la France demeure le seul grand pays développé à n’avoir engagé aucune réforme sérieuse de son modèle économique et social. Et ce alors même que la Ve République, peu libérale et démocratique, a été conçue pour gérer les crises. Et ce alors même que les Français sont en majorité acquis au changement.
Les démocraties sont par nature des régimes conservateurs. Les mentalités évoluent souvent moins vite que les structures, qui se transforment moins rapidement que l’économie ou les technologies. La réforme n’est facile nulle part, comme il est montré en Espagne et en Irlande, où le redressement économique va de pair avec la montée du populisme et le blocage des institutions.
Il reste que la France montre une particulière difficulté à prendre en compte les changements du capitalisme ou de la géopolitique, comme à la fin du XIXe siècle, durant l’entre-deux-guerres ou lors des chocs pétroliers des années 1970. Les raisons sont historiques et politiques : l’héritage de la Révolution française qui fonde la liberté sur un dialogue direct entre l’État et le citoyen ; le caractère autoritaire et centralisé des institutions ; la fusion de la classe politique avec la haute administration. En bref, l’État qui est en France le moteur de la modernisation en est devenu le premier frein.
La présidentielle de 2017 constitue la dernière chance de réformer le pays de manière démocratique, avant de le voir basculer dans la violence et l’extrémisme. Les forces politiques l’abordent sous le signe de l’éclatement et de l’impréparation, notamment dans l’opposition républicaine qui a remis entre les mains des primaires qui se dérouleront en novembre le choix de son leader, de sa stratégie et de son projet.
Les leçons doivent être tirées des échecs de François Hollande comme de Nicolas Sarkozy à réformer la France. Dès lors que les actions prioritaires s’imposent naturellement, il est essentiel de réfléchir à la méthode du changement. En s’inspirant des stratégies de réforme conduites avec succès par Gerhard Schröder en Allemagne, David Cameron au Royaume-Uni, Mariano Rajoy en Espagne ou Matteo Renzi en Italie.
Si chaque nation doit se moderniser en fonction de son histoire et de son génie propres, quelques grands principes se dégagent. Rompre avec le déni pour faire la vérité sur la situation du pays et obtenir des électeurs un mandat clair. Placer le redressement sous le signe d’une vision de l’avenir qui ne peut se réduire à un catalogue de mesures. Écarter les postures et les logiques clientélistes pour réunir la communauté des citoyens autour d’une stratégie de modernisation. Mobiliser les forces économiques et sociales ainsi que les territoires pour contourner le blocage de l’État central. Déployer une pédagogie active de la réforme auprès des citoyens et rendre régulièrement compte des résultats. Préparer méthodiquement le contenu et le calendrier de l’action gouvernementale.
Pierre Mendès France rappelait que : « Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix. » En 2017, la France doit faire le choix de la réforme contre la tentation de la révolution qui a désormais basculé à l’extrême droite. L’agenda 2022 doit être placé sous le signe d’une refondation du modèle français, indissociable d’un profond renouveau des modes de gouvernement comme de la classe politique.
Cette chronique est publiée simultanément
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