En quinze ans, l’expérience Chavez a mené un pays riche à la ruine, sacrifiant le peuple à une idéologie destructrice. Aujourd’hui, la guerre civile menace.
Hugo Chavez déclarait le 9 janvier 2007 à Caracas : « Nous sommes à un moment existentiel de la vie vénézuélienne. Nous avançons vers le socialisme, et rien ni personne ne pourra l’empêcher. »Promesse tenue. La révolution chaviste a fait du Venezuela un pays authentiquement socialiste, ce qui lui a valu l’appui enthousiaste de l’extrême gauche européenne, de Jean-Luc Mélenchon à Alexis Tsipras en passant par Podemos, qu’il a largement financé.
Les propriétaires de terres et d’entreprises ont été expropriés et leurs biens nationalisés. La compagnie pétrolière nationale, PDVSA, a été confisquée par le gouvernement pour alimenter, boom des matières premières aidant, un gigantesque système de transferts sociaux (plus de 150 milliards de dollars en dix ans) et d’aides aux pays les plus hostiles aux Etats-Unis ou aux dirigeants populistes, telle Cristina Kirchner. Le Parti socialiste unifié du Venezuela a pris le contrôle de l’Etat. Une alliance stratégique a été conclue avec Cuba, qui, en échange de subventions et livraisons de pétrole représentant 20 % du PIB de l’île, a envoyé des dizaines de milliers de conseillers pour encadrer les administrations économiques et sociales ainsi que les services de sécurité et de renseignements. Enfin, sous couvert de promouvoir la paix, le désarmement et la lutte contre le réchauffement climatique, une internationale des tyrannies a été constituée avec la Chine, l’Iran, la Biélorussie ou la Syrie de Bachar el-Assad.
Dix-huit ans après la première élection de Hugo Chavez, en 1998, la révolution bolivarienne s’est transformée en cauchemar, ruinant l’un des pays les plus riches du monde et le faisant basculer dans le chaos. Le Venezuela possède les premières réserves de pétrole devant l’Arabie saoudite (300 milliards de barils contre 270 milliards). Il regorge de richesses naturelles : or, argent, diamants, bauxite. Son potentiel agricole est considérable. Il dispose d’une classe moyenne urbaine et éduquée ainsi que de remarquables élites. Pourtant, le socialisme du XXIe siècle a dilapidé ces atouts. En 2015, le PIB a reculé de 10 %. L’inflation est attendue à 720 % en 2016. Le chômage touche plus du tiers de la population active. L’effondrement de la production pétrolière en raison de la gestion clientéliste de la compagnie nationale contraint désormais le Venezuela à importer 550 000 barils de brut des Etats-Unis. La confiscation des terres et des entreprises a détruit l’appareil de production : les importations couvrent 80 % des biens de consommation courante, alors que le pays assurait encore 75 % de son alimentation en 2000.
Le coup de grâce a été porté par la chute de trois quarts des prix du pétrole depuis 2014 et par le ralentissement économique de la Chine. Le Venezuela est aujourd’hui en faillite. Le déficit budgétaire dépasse 20 % du PIB. La valeur de la monnaie s’est effondrée pour s’établir à 1 000 bolivars pour un dollar au marché noir, contre 6,3 bolivars pour un dollar pour le moins élevé des trois cours officiels. Les recettes pétrolières et les réserves de change ont fondu à 22 puis 15 milliards de dollars, alors que le pays doit dépenser plus de 40 milliards pour ses importations et rembourser à court terme 6 des 60 milliards de dollars qu’il a empruntés à la Chine.
C’est comme toujours le peuple qui acquitte le prix le plus élevé pour les promesses perverses des idéologies. La révolution bolivarienne a fait basculer dans la pauvreté 70 % de la population. Les pénuries de biens de première nécessité, à commencer par les médicaments, sont chroniques. L’électricité est intermittente, la corruption endémique. L’ordre public a disparu et la violence échappe à tout contrôle. Caracas est devenue la deuxième des villes les plus dangereuses de la planète avec 90 homicides pour 100 000 habitants.
Acculé à la ruine, le régime chaviste, aujourd’hui présidé par Nicolas Maduro, s’est engagé dans une fuite en avant et cherche à instaurer la guerre civile. Le pouvoir personnel prend une tournure de plus en plus paranoïaque. Les émeutes pour la liberté et contre la misère ont été réprimées dans le sang. En réaction à la victoire de l’opposition aux élections législatives du 6 décembre dernier, le Parlement a été déchu de ses pouvoirs, la Cour suprême quadrillée par la nomination d’affidés, la Banque centrale placée sous la responsabilité directe du président afin de faire tourner la planche à billets en toute impunité.
Le Venezuela n’est pas seulement la victime de la malédiction des matières premières, mais d’abord d’une idéologie destructrice. Il ne peut être sauvé que par l’éradication du chavisme, qui est irréformable. Voilà pourquoi l’Amérique latine, les États-Unis et l’Europe doivent se mobiliser et s’unir pour soutenir résolument l’opposition libérale. Les citoyens des démocraties doivent par ailleurs tirer toutes les leçons de la tragédie vénézuélienne, qui fait la vérité sur les pseudo-stratégies alternatives promues par les populismes d’extrême gauche. Le capitalisme mondialisé produit certes des bulles spéculatives et des crises ; mais il a fait sortir 1,2 milliard de personnes de la pauvreté en un quart de siècle. Le socialisme a mis en faillite l’un des Etats les plus riches de la planète, plongé la société dans le chaos, réduit sa population à la pauvreté et à l’anomie.
Le capitalisme universel, c’est le développement et le progrès technologique au risque de la répartition inégale des richesses. Le socialisme du XXIe siècle, c’est la décroissance au prix de la paupérisation et de l’oppression des masses. Les siècles changent, mais pas le socialisme : aujourd’hui comme hier, il garantit le despotisme et la misère pour tous.
(Chronique parue dans Le Point du 21 mars 2016)