L’ère Kirchner a ruiné l’économie et sapé l’Etat de droit. Un avertissement pour le Brésil… et la France.
L’élection de Mauricio Macri par 52 % des voix contre Daniel Scioli, le candidat désigné par Cristina Kirchner, met un terme au cycle de douze années de kirchnerismo, qui ont ruiné l’économie et sapé l’Etat de droit. Et peut aussi marquer un coup d’arrêt à la poussée populiste qui menace de ramener le continent à la décennie perdue des années 80, de la faillite du Venezuela méthodiquement poursuivie par Hugo Chavez et Nicolas Maduro à la descente aux enfers du Brésil de Dilma Rousseff.
La victoire inattendue de Mauricio Macri témoigne du désir de rupture des Argentins, qu’exprimait à merveille la coalition qui l’a porté au pouvoir : Cambiemos – c’est-à-dire « Changeons ». La campagne a été placée sous le signe de la normalisation de l’Argentine, en opposition avec l’ère Cristina Kirchner. Les Kirchner laissent pour tout legs un pays en faillite, que la manipulation des statistiques ne parvient plus à masquer. L’économie a basculé dans la récession, qui se prolongera en 2016 (– 1 %). L’inflation atteint 25 %. Un tiers des emplois relèvent de l’économie souterraine sur fond d’explosion du chômage. Le déficit budgétaire, qui s’élève à 6 %, est insoutenable en raison de l’explosion des dépenses publiques, passées de 24,6 à 40,3 % du PIB depuis 2007. Le carcan des mesures protectionnistes se traduit par des pénuries chroniques de produits de première nécessité, notamment de médicaments. Le contrôle des changes alimente la fuite des capitaux tout en provoquant la multiplication des parités : cours officiel à 9,6 pesos pour 1 dollar, marché noir à 15 pesos, cartes de crédit avec un cours majoré de 35 %, cours du soja à 6,3 pesos. Les réserves de change ont fondu de 52 à 26 milliards de dollars en 2011, dont 7 milliards seulement sont disponibles alors que l’indemnisation des créanciers, résultat des contentieux liés à la restructuration de la dette, dépasse 8 milliards.
Le ralentissement de la Chine et la chute des matières premières n’expliquent que marginalement l’effondrement de l’Argentine. La raison principale est liée à la politique économique des Kirchner. La priorité a été donnée à la distribution de pouvoir d’achat artificiel par les subventions à la consommation d’énergie et de transports, par l’accroissement des transferts sociaux et par la surévaluation de la monnaie. Les entreprises, à l’inverse, ont été surtaxées. Les réserves de la banque centrale et des régimes de retraite ont été confisquées pour combler les trous dans les caisses de l’Etat. Le pays s’est coupé des marchés internationaux par le recours à un protectionnisme forcené conjuguant barrières douanières et limitation des importations. L’Etat de droit a été démantelé, laissant le champ libre à une corruption endémique et à la montée des violences, entretenues plutôt que combattues par une police et une justice gangrenées. C’est dire que la tâche qui attend le président Macri relève des travaux d’Hercule.
La faillite de l’Argentine est riche d’enseignements :
- Le populisme, dont le péronisme constitue une parfaite illustration, conduit inéluctablement à la paupérisation des peuples et à la ruine de l’Etat de droit.
- Certains pays peuvent décrocher durablement s’ils ne sont pas capables de se réformer, comme le montre le déclassement de l’Argentine, tombée du 10e au 24e rang des économies mondiales depuis 1945.
- Les faillites d’Etat sont possibles et leurs dommages sont plus importants encore pour les populations que pour les créanciers, ce qu’Alexis Tsipras, contrairement à Cristina Kirchner, a eu l’intelligence d’entendre.
- Le Brésil de Dilma Rousseff, qui a greffé un Etat-providence de type européen sur une économie émergente, est en voie de kirchnérisation.
- La France est l’Argentine de l’Europe : elle dilapide ses atouts par une politique économique suicidaire ; elle se dirige droit vers le défaut de paiement en cumulant décroissance, chômage de masse, déficit commercial structurel, déficit et dettes publics insoutenables ; elle cède chaque jour davantage aux démons du populisme, qui menace non seulement la poursuite de son développement, mais la survie de sa démocratie ; elle est en attente d’un tournant libéral dont les Français ont compris qu’il est le seul remède à son déclin, mais qui reste orphelin d’un leader et d’un projet.
(Chronique parue dans Le Point du 3 décembre 2015)