La capacité à réformer, l’innovation, l’inclusion à travers l’éducation et le travail et la coopération internationale doivent permettre d’éviter une stagnation au XXIe siècle.
L’assemblée générale du FMI qui vient de se dérouler à Lima a acté l’entrée de l’économie mondiale dans une nouvelle ère de turbulences. La croissance décélère pour s’établir à 3,1 % en 2015. Ce ralentissement n’est pas conjoncturel comme le prouve l’atonie du commerce international qui plafonne à 2,8 %. Il résulte de cinq causes structurelles.
La première découle de l’atterrissage de la Chine, qui représente désormais 13,5 % de l’économie mondiale. Elle est engagée dans une transition à haut risque vers une croissance plus qualitative, tirée par la demande intérieure et les services et non plus par les exportations et l’industrie. Son rythme réel d’expansion a été ramené entre 4 et 5 % par an, impactant ainsi la croissance mondiale dont elle a assuré 40 % depuis 2000.
Dans les années 2000, la croissance s’est élevée à 6,5 % dans les pays du Sud contre 1,5 % dans ceux du Nord. En 2015, elle est de 4 % dans le monde émergent contre 2 % dans le monde développé. D’un côté, les États-Unis, grâce à leurs efforts de productivité, à la restructuration du secteur financier et surtout à l’innovation, ont renoué avec une croissance de 2,6 % et le plein-emploi. L’Europe s’extirpe lentement de la déflation avec une croissance de 1,8 %. À l’inverse, les pays émergents sont frappés de plein fouet par la fin du super-cycle des matières premières soutenu par les Trente Glorieuses chinoises. L’Amérique latine connaîtra cette année une récession de 1 %, le Brésil de 3 % et la Russie de 4 %.
Dans le même temps, la volatilité financière est de retour. La décision de la Fed de prolonger les taux zéro a accru l’incertitude. Le surendettement des États développés, avec une dette publique de 120 % du PIB et des engagements de plus de 250 % du PIB au titre de la protection sociale, a pour pendant, dans les pays émergents, le gonflement de l’endettement extérieur et des crédits aux entreprises. Enfin s’installe une guerre larvée des monnaies marquée par des chutes successives du dollar, du yen, de l’euro et des devises émergentes.
La révolution numérique déstabilise tous les secteurs de l’économie tandis que se multiplient les sinistres industriels : explosion de la plateforme Deepwater Horizon de BP en 2010 ; accident de Fukushima au Japon en 2011 ; dévastation du port de Tianjin en août 2015 ; scandale du Dieselgate qui pourrait coûter jusqu’à 100 milliards d’euros pour Volkswagen.
Les menaces géopolitiques se renouvellent. Exacerbation des tensions en mer de Chine où Pékin entend tirer parti du déficit de leadership des États-Unis. Déstabilisation du système de sécurité européen de l’après-guerre froide par la Russie. Implosion du Moyen-Orient sur fond de guerre entre sunnites et chiites engendrant une importante vague de réfugiés vers l’Europe. Constitution d’un vaste arc terroriste qui court du Nigeria à l’Afghanistan et se nourrit des États effondrés : Mali, Libye, Somalie, Syrie et Irak.
Pour l’ensemble de ces raisons, la mondialisation connaît à nouveau de fortes secousses. Elle n’est pas pour autant promise à une stagnation séculaire, comme le prétend Larry Summers en se fondant sur la stabilisation et le vieillissement de la population mondiale, le déclin de l’investissement et des gains de productivité liés à l’innovation. En réalité, les sources de la croissance restent nombreuses et solides : décollage de l’Afrique, urbanisation et montée des classes moyennes des pays émergents, révolution numérique avec de formidables gains de productivité dans les services, économie de l’environnement et des seniors. Le développement se poursuit à travers la réduction de l’extrême pauvreté passée de 37,1 % à 9,6 % depuis 1990, le rééquilibrage au bénéfice de l’industrie, le basculement vers un capitalisme entrepreneurial et partenarial, la consolidation du libre-échange avec la signature du Pacte transpacifique qui couvre 40 % du marché mondial.
Les facteurs de risque sont donc davantage politiques, liés à l’incapacité des États de réassurer les chocs d’un système mondial dont ils ont perdu le contrôle, à la pression des populismes qui poussent au repli alors qu’il faut intégrer davantage, au renouveau mortifère des nationalismes et des guerres de religion.
La croissance n’a nullement déserté le XXIe siècle. Mais elle n’est pas donnée, elle se crée. Avec quatre clés. La capacité à réformer en permanence, alors même que les politiques monétaires ou budgétaires sont épuisées. La priorité donnée à l’innovation, donc à l’attraction des entrepreneurs qui la portent. L’inclusion à travers l’éducation et le travail. Enfin la coopération internationale indispensable pour gérer les risques globaux : épidémies, changement climatique, mouvements migratoires, instabilité financière, terrorisme.
(Chronique parue dans Le Figaro du 12 octobre 2015)