Si en matière de sécurité le bilan de l’organisation est décevant, les Nations unies jouent un rôle non négligeable dans la résolution des crises périphériques et l’aide au développement.
Avec la mondialisation, les hommes sont entrés dans l’âge de l’histoire universelle. Et avec elle dans l’ère des risques globaux, peu prévisibles, extrêmes et irréversibles. Risques financiers illustrés par le krach de 2008. Risques industriels, à l’image des catastrophes de Fukushima en 2011 ou de Tianjin en 2015. Risques technologiques avec les cyberattaques. Risques sanitaires avec les pandémies. Risques stratégiques, illustrés par le chaos du Moyen-Orient ou l’exode de 1,3 million de réfugiés vers l’Europe cette année.
Ces risques excèdent les capacités d’action des États. Ils ne peuvent plus être réassurés par les seuls États-Unis, qui restent une puissance globale mais sont tétanisés par le déficit de leadership, l’absence de stratégie et le blocage du système politique.
D’où la redécouverte de l’ONU, qui vient de célébrer son 70e anniversaire. Son Assemblée générale a été dominée par les interventions du pape François, qui a lancé un vibrant appel à lutter contre l’exclusion, la dégradation de l’environnement, la propagation de la haine, et de Vladimir Poutine, qui a proposé de créer une vaste coalition internationale contre l’État islamique. À l’inverse, le repli des États-Unis a été souligné, symbolisé par la pusillanimité de Barack Obama, qui s’apprête à rester comme le président qui laissa naître et se développer l’État islamique. Une nouvelle division du monde est apparue qui ne passe plus entre l’Est et l’Ouest mais entre d’un côté l’activisme des nouveaux empires (Chine, Russie, Turquie, Iran) et, de l’autre, l’impuissance et la division des démocraties.
Contrairement à ce que soutenait le général de Gaulle, l’ONU est très loin de se réduire à un « machin ». Elle dispose du monopole de la représentation de la communauté internationale. Et son impuissance, souvent dénoncée, n’est que relative. La Charte des Nations unies, signée le 26 juin 1945, se fixait pour objectifs majeurs le maintien de la paix et la sécurité dans le monde, le développement de la coopération internationale et l’harmonisation des efforts des nations.
S’il est vrai que l’ONU est tristement absente des conflits majeurs, a fortiori lorsqu’ils impliquent des membres permanents du Conseil de sécurité , elle joue un rôle très utile dans des crises périphériques, où elle est parvenue à prévenir des génocides comme au Congo, en République centrafricaine ou au Soudan. Par ailleurs, elle constitue le premier soutien des quelque 60 millions de réfugiés répartis dans le monde.
Le bilan des efforts en faveur du développement est lui très positif, même si les progrès doivent d’abord être mis à l’actif de la mondialisation. La mobilisation au service des 8 objectifs du Millénaire s’est traduite, de 2000 à 2015, par la diminution de 1,9 milliard à 836 millions des personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, la baisse de 90 à 43 pour 1000 de la mortalité des enfants de moins de 5 ans et de 380 à 210 décès pour 100.000 naissances de la mortalité maternelle, par l’augmentation du taux de scolarisation primaire de 83 à 91 %, par le recul des infections liées au VIH de 40 % ou encore l’augmentation de l’aide publique au développement de 81 à 135 milliards de dollars.
D’importantes zones d’ombre subsistent avec la montée des inégalités, la concentration de la pauvreté dans certains pays ou en Afrique, l’accélération de la dégradation de l’environnement avec l’envolée des émissions de carbone de 21,6 à 33 milliards de tonnes métriques. Il reste que la situation économique et sanitaire de l’humanité ne s’est jamais améliorée autant en si peu de temps. D’où l’importance, pour les 8,5 milliards d’hommes qui se partageront alors la planète, des 17 nouveaux engagements pour 2030. D’où l’importance de faire vivre le dialogue et les institutions multilatérales. Certes, aucune des grandes négociations engagées depuis 2000 autour du contrôle des armements, du commerce, des monnaies ou de la protection de l’environnement n’a abouti. Mais l’échec des accords globaux masque souvent le succès des traités bilatéraux, des initiatives sectorielles, des modifications du comportement des entreprises, des marchés et des citoyens. L’ONU est un legs inestimable des dirigeants de l’après-Seconde Guerre mondiale qui ont su répondre aux défis des crises et des guerres du XXe siècle tout en anticipant le temps de l’histoire universelle.
(Chronique parue dans Le Figaro du 5 octobre 2015)