La France est l’homme malade du monde développé, et François Hollande n’a plus aucune marge de manœuvre pour agir. Un blocage historique.
Trois ans après son élection, François Hollande se trouve acculé dans une impasse sans précédent depuis la création de la Ve République et qui n’a d’égale que celle dans laquelle il a enfermé la France. La contradiction est totale entre le décrochage du pays, les réformes radicales que le redressement appelle et le blocage de la décision politique.
La France est l’homme malade du monde développé. Elle s’est coupée de la reprise de l’Europe. L’amélioration de l’environnement extérieur avec la baisse du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt donne une bouffée d’oxygène à la consommation des ménages, tétanisés par le choc fiscal. Mais l’investissement, inférieur de 8 % à sa moyenne historique, comme les parts de marché à l’exportation, continue à régresser. La croissance s’installe en queue de peloton de la zone euro. La paupérisation s’emballe, plaçant plus de 10 % de la population dans l’exclusion. Les faillites et le chômage, qui touchent 5,5 millions de personnes, poursuivent leur augmentation. Les dépenses publiques culminent à 57,2 % du PIB, alimentant un déficit structurel de 4 % du PIB et une dette qui approchera 100 % du PIB à la fin de l’année 2015.
L’année 2015 ne marque pas le début d’une reprise durable mais l’aggravation du décrochage de la France. Décrochage au sein d’une zone euro qui redémarre enfin, avec à la clé une croissance de 1,8 %, une baisse du chômage en dessous de 11 % de la population active, un déficit réduit à 2,6 % du PIB et une dette stabilisée à 93 % du PIB. Décrochage face à l’Allemagne, forte d’une croissance de 1,5 %, d’une situation de plein-emploi avec un taux de chômage réduit à 4,7 % et de 42,7 millions de postes de travail, d’un double excédent commercial de 7,4 % du PIB et des comptes publics de 0,6 % du PIB, d’une dette réduite de 82 à 75 % du PIB. Décrochage vis-à-vis de l’Europe du Sud, à l’image de l’Espagne, qui renoue avec une croissance de 2,5 %. Décrochage vis-à-vis du Royaume-Uni, qui affiche une croissance de 2,8 % ainsi qu’une situation de plein-emploi avec un taux de chômage de 5,6 % et une base productive de 31 millions d’emplois.
Loin d’être un moteur, la France est un boulet pour la reprise européenne et un risque majeur pour la zone euro, aujourd’hui masqué par la faiblesse des taux d’intérêt et par la menace de défaut de la Grèce. Et ce en raison de son incapacité à se réformer. La France est une grosse Grèce dont les maux sont parfaitement documentés mais qui refuse obstinément de les traiter. Le FMI, l’OCDE, l’Union européenne et la BCE s’accordent sur les réformes nécessaires : baisse des impôts et des charges sur les entreprises pour restaurer leur compétitivité ; sortie des 35 heures et flexibilité du marché du travail ; réforme de l’État et de la fonction publique ; baisse de 100 milliards des dépenses publiques concentrée sur les transferts sociaux ; réinvestissement dans les fonctions régaliennes.
Or, non seulement il n’existe aucun programme crédible pour réaliser ces réformes, mais le tournant de la compétitivité reste limité aux mots et ne se traduit pas dans les actes. Le taux de marge des entreprises ne se relève toujours pas. Le marché du travail est le plus rigide du monde développé. Le ralentissement des dépenses publiques demeure virtuel. À l’inverse, le compte pénibilité ou le devoir de vigilance créent de nouvelles charges pour les entreprises tandis que le tiers payant généralisé dans la santé ou le compte personnel d’activité installent des bombes à retardement supplémentaires. L’État-providence poursuit la cannibalisation de l’État régalien, à l’image d’un système de défense exsangue. Les derniers pôles d’excellence de l’enseignement public sont condamnés par la réforme du collège qui fait disparaître les sections européennes, les classes bilangues, le latin et le grec. Enfin, la réforme territoriale, qui devait être le levier de la modernisation de l’État, s’achève par la création de niveaux d’administration, d’élus et de dépenses supplémentaires.
L’impasse est d’abord politique. François Hollande a perdu toute marge de manœuvre et tout moyen d’action. Il n’agit pas en chef de l’État mais en gestionnaire des équilibres de la gauche et du Parti socialiste. Son quinquennat n’a pour principe que la tentative désespérée d’un homme de se faire réélire en 2017 à une fonction qu’il est incapable d’exercer. Avec pour toute stratégie le pari sur une reprise venue de l’extérieur, sur une crise internationale, sur la montée du FN pour forcer l’unité de la gauche et diviser la droite républicaine. François Hollande laissera la France en 2017 dans l’état dans lequel il a abandonné le Parti socialiste en 2008.
Chronique parue dans Le Figaro du 20 avril 2015)