Alexis Tsipras déchaîne les nationalismes et cherche à ranimer les conflits entre nations européennes.
En janvier dernier, Marine Le Pen a salué la victoire d’Alexis Tsipras aux élections législatives et la formation à Athènes de la coalition conduite par Syriza avec le soutien des ultranationalistes grecs. L’émergence de cette Europe des populismes est logique puisque le programme économique du Front national est celui de Syriza avec la sortie de l’euro en plus.
Au moment où Marine Le Pen met en avant la capacité du Front national à gouverner, il est intéressant de faire un bilan de l’action d’Alexis Tsipras. Et il est édifiant. En moins de deux mois, il a annihilé tous les progrès réalisés depuis 2009, recréé une situation de défaut, provoqué un chaos politique qui menace la démocratie.
En 2014, après avoir retrouvé l’accès aux marchés, la Grèce renouait avec la croissance, connaissait un début de diminution du chômage et dégageait un excédent budgétaire de 4 milliards d’euros. Trois mois plus tard, elle a replongé dans la récession et réamorcé la spirale des suppressions d’emplois. Le déficit budgétaire est de retour en raison de la diminution de près de 20 % des recettes fiscales avec la promesse de supprimer taxes et saisies immobilières. La fuite de 22 milliards d’euros depuis janvier et la restriction des refinancements de la BCE aux mécanismes d’urgence poussent les banques à la faillite.
La Grèce court méthodiquement vers le défaut. Elle doit rembourser avant la fin mars 1,2 milliard d’euros et refinancer 4,3 milliards d’euros de titres court terme alors qu’elle ne parvient plus à placer ses billets de trésorerie. L’ultime expédient consiste à piller les 2 milliards d’euros de réserves de la Sécurité sociale.
La crise de la Grèce ne relève pas d’un problème de liquidité mais de solvabilité. Elle ne peut trouver de solution que par de profondes réformes intérieures bénéficiant du soutien de l’Union européenne. Or depuis l’accord de principe du 20 février, la Grèce n’a produit ni programme de réformes crédible, ni même de comptes.
Alexis Tsipras s’est lancé dans une fuite en avant qui achève de le discréditer. Il prétend contre toute raison résoudre le problème du surendettement de la Grèce au XXIe siècle en renégociant le règlement de la Seconde Guerre mondiale acté par les traités de 1946, 1953, 1960 et 1990. Il déchaîne les nationalismes et cherche à ranimer les conflits entre nations européennes. À l’égal de l’État islamique en Syrie, il menace de délivrer des papiers à des dizaines de milliers de clandestins pour les faire déferler sur l’Europe, ce qui justifierait l’exclusion de la Grèce des accords de Schengen.
Alexis Tsipras doit choisir entre son programme et le maintien de la Grèce dans la zone euro. Faute d’avoir le courage de trancher, Tsipras brandit désormais la perspective d’un référendum ou de nouvelles élections. Avec le risque de faire le jeu des nazis d’Aube dorée. Comme souvent dans l’histoire, l’extrême gauche fait ainsi le lit de l’extrême droite.
Marine Le Pen anticipe ce choix en faisant de la sortie de l’euro le cœur de son programme économique. Or la sortie de la France de l’euro la mettra en faillite aussi sûrement que la dénonciation par Syriza de l’Europe qui a apporté à la Grèce les 240 milliards d’euros qui lui ont permis de survivre depuis 2009. L’expérience grecque montre qu’une sortie de la monnaie unique ne peut être négociée à froid mais qu’elle se fera à chaud.
Pour la France, le retour au franc serait indissociable d’une dévaluation de 20 % à 30 % qui augmentera d’autant le poids de la dette, qui passerait ainsi en 2017 de 108 % à 130 % du PIB. La hausse des taux d’intérêt et les représailles aux mesures protectionnistes mettront l’économie en récession. La fuite des capitaux provoquera la faillite des banques. Avec pour conséquences la chute de 20 % du PIB, la suppression d’au moins un million d’emplois et l’effondrement du pouvoir d’achat de 25 %. Tout ceci convergeant rapidement, comme pour la Grèce aujourd’hui, vers le défaut de paiement puis le chaos politique.
Quatre leçons émergent de la calamiteuse expérience de Syriza en Grèce.
- La France est une grosse Grèce, avec le risque systémique en plus.
- Il est incompatible d’appartenir à la zone euro et de conduire une politique économique non coordonnée.
- Les politiques alternatives refusant les réformes permettant d’améliorer la compétitivité pour privilégier des politiques clientélistes de redistribution enferment les nations dans la récession et le chômage et n’ont d’autre issue que le défaut.
- Au moment où la reprise se dessine dans la zone euro, notamment grâce à la BCE, il est vital que les partis de gouvernement endiguent la poussée populiste en défendant les réformes, en associant intégration et strict contrôle des flux migratoires, en garantissant la sécurité face au renouveau des ambitions impériales de la Russie et en livrant une guerre sans merci à l’islamisme.
Chronique parue dans Le Figaro du 16 mars 2015)