Déficits, dépenses, dettes… La France de Hollande se trouve dans la situation de celle de Louis XVI.
Pierre Mendès France rappelait à juste titre que « les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ». Le budget pour 2015 tient lieu d’étendard à Krankreich, cette France malade que sa stagnation économique et la dérive de ses finances publiques conduisent à la faillite en même temps qu’elles menacent l’euro d’éclatement.
L’austérité est un mythe. Sous les discours vantant des réformes introuvables qui constituent des leurres à l’attention des marchés financiers et de nos partenaires européens, François Hollande continue à sanctuariser le modèle de décroissance par la dépense et la dette publiques. Le budget 2015 en apporte la preuve qui, loin d’améliorer la compétitivité des entreprises et la cohésion nationale mises à mal par 51 milliards de hausses d’impôts réalisées depuis 2012, laisse filer le déficit et les dépenses.
Les recettes témoignent d’un nouveau tour de vis, qui, pour être masqué, entraînera la chute du niveau de vie et des rentrées fiscales du fait du blocage de la croissance et de l’explosion de l’économie clandestine. La sortie démagogique et incivique de 3 millions de ménages de l’impôt sur le revenu va en effet de pair avec la hausse de 2 milliards d’euros de la taxe carbone et de 807 millions des taxes sur le diesel.
Les dépenses, loin de diminuer, augmentent officiellement de 13 milliards d’euros, mais progresseront en réalité davantage. Les 21 milliards d’économies restent largement virtuels. En 2015, les recettes de l’Etat couvriront moins du cinquième de ses dépenses. Le déficit des collectivités locales va tripler en raison de l’envolée des embauches de fonctionnaires, tandis que l’usine à gaz de la réforme territoriale accouchera de nouvelles charges. Enfin, la protection sociale explose sous le poids de la hausse des allocations (RSA, Apa, rentrée scolaire…), de la prise en compte de la pénibilité dans les retraites (3,5 milliards en régime de croisière), du projet de tiers payant généralisé sur la santé, dont le coût se situe entre 1,5 et 2 milliards. Le seul changement vient de ce que le mot d’ordre « Entreprise, je vous hais ! » est remplacé par le slogan « Famille, je vous hais ! ». Après la hausse sans précédent de l’impôt sur le revenu et le plafonnement du quotient familial à 2 000 puis 1 500 euros, après le démantèlement de fait des emplois familiaux, après la réduction de moitié de la prestation jeune enfant, la seule économie tangible provient de la division par trois de la prime de naissance à partir du deuxième enfant et de la limitation à dix-huit mois du congé parental. Le budget 2015 enterre ainsi la politique familiale et son caractère universel.
La réduction minime du déficit de 4,4 à 4,3 % du PIB relève pour sa part de la fiction. D’abord en raison des moins-values de recettes et du dérapage programmé des dépenses. Ensuite en raison de la surestimation de l’hypothèse de croissance, qui n’a aucune chance d’atteindre 1 % en 2015, 1,7 % en 2016 et 1,9 % en 2017, alors que les gains de productivité sont bloqués à 0,3 % par an et que la croissance potentielle n’excède pas 0,7 %. Alors que le niveau de vie diminue de 1 % par an, l’investissement de 5 % par an et que les exportations sont tout juste stabilisées par la baisse de l’euro. Alors que 100 000 chômeurs supplémentaires s’ajouteront l’an prochain aux 3,5 millions que comptera notre pays à la fin 2014. Loin de diminuer, le déficit public sera proche de 5 % du PIB en 2015.
Dès lors la dette, fille aînée des déficits, va accélérer sa course folle. Elle atteint 2 024 milliards d’euros, soit 95,1 % du PIB, et approchera 100 % du PIB à la fin de 2015. Notre pays devra emprunter 188 milliards d’euros, financés à 64 % par les investisseurs internationaux. La France est désormais une exception en Europe, où les déficits et les dettes régressent partout ailleurs. Le déficit primaire (avant charge de la dette) s’élèvera à 31,5 milliards d’euros – soit 1,5 % du PIB -, contre un excédent de 1,1 % pour l’Italie et 2,2 % pour l’Allemagne. Cela suffit à montrer l’inanité des prétendues « circonstances exceptionnelles » invoquées par le gouvernement pour repousser à 2017 l’objectif d’un déficit de 3 % du PIB. Le budget pour 2015 souligne avec force l’absence de stratégie économique et de réformes en France. La chute de la compétitivité s’aggrave avec la baisse historique du taux de marge des entreprises à 29,4 % et 20,4 % pour les PME, car seuls 7 milliards ont été versés au titre du CICE quand 30 milliards ont été prélevés au cours des deux dernières années. Les dépenses publiques franchiront un nouveau record en culminant à 57,4 % du PIB en 2015, alors même que la croissance et l’inflation sont quasi nulles. En bref, la France de François Hollande se trouve dans la situation de celle de Louis XVI en 1789, qui cumulait un déficit structurel supérieur à 4 % du PIB et une dette équivalant à sa richesse nationale. Voilà pourquoi il faut engager une thérapie de choc pour rétablir la compétitivité des entreprises, diminuer drastiquement la dépense publique, lancer un vaste programme de cession d’actifs. Cette stratégie est la seule qui puisse préserver notre pays d’un nouvel épisode révolutionnaire. Pour le salut de la France comme de l’Europe, la Commission doit cesser de rivaliser d’irresponsabilité avec nos dirigeants : elle doit appliquer sans trembler les règles qui ont permis la sortie de crise de l’euro et dont le respect conditionne sa survie en les obligeant à réviser un projet de budget pour 2015 qui cumule la manipulation au plan comptable, la stagnation au plan économique, la promesse d’un krach financier au plan européen.
(Chronique parue dans Le Point du 09 octobre 2014)