Face à la défiance généralisée, à une économie sclérosée et à la montée du FN, la dissolution de l’Assemblée nationale semble une issue probable.
Dans une démocratie, les changements de gouvernement permettent de réaffirmer le leadership des dirigeants tout en modifiant la ligne politique. Le remaniement du gouvernement Valls s’est imposé à François Hollande en position de grande faiblesse pour préserver son pacte de responsabilité. Mais le nouveau cours social-libéral reste miné par le refus d’assumer la rupture avec la démagogie de la campagne de 2012.
L’éviction d’Arnaud Montebourg était inéluctable et n’a que trop attendu. La mise en accusation par le ministre de l’Économie de la stratégie qu’il était censé mettre en œuvre, la promotion d’une alternative qui se résume au programme du Front national moins la sortie de l’euro, les attaques virulentes portées contre nos partenaires européens – Allemagne en tête – étaient indignes d’un responsable politique. Le bilan du pseudo-effort de redressement productif se révèle calamiteux, avec une production industrielle revenue à son niveau de 1994, un nombre record de faillites, l’exil massif des entrepreneurs, des cerveaux, des investissements et des centres de décision. Enfin, l’organisation de conférences de presse et d’interventions médiatiques sur un mode élyséen comme le mépris affiché pour le président et le premier ministre contribuaient à délégitimer les institutions dans une période de crise nationale et internationale.
La clarification entre les deux politiques économiques qui traversaient le gouvernement et rythmaient les atermoiements de Hollande est salutaire. Le choix du social-libéralisme semble enfin arrêté. Mais il est tardif et très cher payé. Le gouvernement de la dernière chance conduit par Manuel Valls est privé de toute marge de manœuvre et ne dispose que d’une espérance de vie limitée.
Avec Valls, le gouvernement a retrouvé un chef et une cohérence. Mais il a perdu sa majorité et brisé le PS. Sa base politique est réduite à l’extrême. Un gouvernement limité au PS avec le fragile appui de radicaux révulsés par la réforme territoriale. L’absence de tous les ténors et grands élus socialistes, à l’exception de Laurent Fabius et de Ségolène Royal. La perte assurée du Sénat, le 28 septembre. À l’Assemblée, une majorité réduite à 16 voix et placée sous la menace permanente de 30 à 80 frondeurs. Rue de Solferino, une bataille rangée qui oppose les tenants d’une ligne hostile à l’austérité et à l’Europe et les partisans des réformes et de l’euro. Les réformes se heurtent au passif du quinquennat. Une économie en stagnation durable, minée par 5,084 millions de chômeurs, un double déficit commercial de 3 % du PIB et public de 4,4 % du PIB, une dette de 2 000 milliards d’euros hors de tout contrôle en dépit d’un choc fiscal de 65 milliards d’euros. Une société minée par l’insécurité et la radicalisation de la violence.
La défiance est généralisée. Chez les Français, dont les trois quarts sont convaincus de l’échec de la politique économique. Chez les entrepreneurs et les investisseurs, traumatisés par deux années de chasse à l’homme, ligotés par une fiscalité confiscatoire et une réglementation paralysante. Chez nos partenaires, désorientés par l’incohérence des propos et la vacuité de l’action, tétanisés par la montée du FN, catastrophés par la relance prévisible de la crise de l’euro à la suite d’un choc sur la dette française. Le plus grand obstacle aux réformes reste Hollande par son impopularité record (17 % de satisfaction), par son déni du réel et ses revirements successifs, par ses échecs en chaîne à propos de la croissance, du chômage ou des déficits. Alors que le président, dans la Ve République, constitue le point d’ancrage de la nation, Hollande est un démultiplicateur d’instabilité et d’incertitude.
Voilà pourquoi la dissolution constitue l’issue la plus probable à ce quinquennat mort-né. Si la défaite du PS est acquise, nombreux sont ceux qui parient à gauche sur une sanction moins sévère si elle intervient rapidement qu’au terme du naufrage programmé. Cette accélération du temps politique risque fort d’encourager la démagogie, déchaînant les polémiques autour de la politique économique à gauche tout comme la compétition pour la conquête de l’UMP à droite. Le FN en serait encore renforcé, qui constitue le seul vrai vainqueur du remaniement et qui dispose des meilleures chances pour sortir en tête du premier tour de la prochaine présidentielle. Il est encore temps de conjurer ce super 21 avril 2002.
Pour Hollande et Valls, cela suppose de faire la vérité sur la débâcle des deux premières années du quinquennat et de réduire le grand écart entre les mots et les actes. Pour les dirigeants de l’opposition, qui n’a toujours ni leader, ni projet, ni stratégie deux ans et demi après sa défaite, cela implique de se mettre au travail pour proposer aux Français une stratégie et une méthode crédibles de redressement.
(Chronique parue dans Le Figaro du 1er septembre 2014)