Le destin du quinquennat de François Hollande est en train de se jouer. Le tournant des réformes est impératif.
Alors que la campagne pour les élections municipales s’achève dans un climat politique délétère de guerre civile froide, la décomposition des institutions et de la vie publique a pour pendant la désintégration de l’économie française.
La croissance zéro s’installe. La production industrielle poursuit son recul qui atteint 18 % depuis 2007. Tous les moteurs de l’activité sont désormais éteints : la consommation a été gelée par le choc fiscal de plus de 65 milliards d’euros depuis 2012 ; l’investissement est bloqué par le niveau historiquement bas des marges des entreprises ; les exportations chutent, tandis que les investissements étrangers connaissent un effondrement sans précédent (-77 % en 2013).
Dès lors, les défaillances d’entreprises battent de nouveaux records (+ 3,7 % en janvier et en février) sous le feu croisé de l’envol des impôts et des charges, de l’ascension des coûts du travail et de la dérive des délais de paiement. Résultat, le chômage croît, touchant 3,3 millions de personnes. L’inemploi des jeunes devient critique, renforcé par la désaffection de l’apprentissage, en recul de 20,6 % en janvier du fait de la remise en cause de son statut, tandis que 27 % des diplômés et 80 % des élèves des grandes écoles projettent de chercher du travail à l’étranger et de s’y installer durablement.
Au plan financier, le déficit a atteint 12,7 milliards d’euros en janvier, ce qui place les finances publiques sur la trajectoire d’un déficit de 4 % du PIB, conduisant à une dette de 97,3 % du PIB à fin 2015.
Plus de deux mois après son annonce par le président de la République, le pacte de responsabilité n’a en rien rétabli la confiance ni réussi à enclencher la dynamique du redressement. Et ce pour quatre raisons.
D’abord, si les grandes lignes du tournant de la compétitivité sont incontestables, le pacte demeure virtuel faute de contenu concret. L’objectif d’une baisse générale des charges sur le travail avec la suppression des cotisations pour les allocations familiales se dissout dans de nouvelles mesures sur les bas salaires. Dans la lignée des erreurs du CICE, l’argent public est mobilisé au service des emplois non qualifiés du secteur protégé au lieu de soutenir les emplois à forte valeur ajoutée de l’industrie et des entreprises exportatrices.
La baisse des dépenses publiques reste dans les limbes. Or, François Hollande joue sa crédibilité sur sa capacité à faire passer la dépense publique de 1 150 à 1 100 milliards d’euros d’ici à 2017.
Le pacte n’a nullement arrêté ou même ralenti la rafale des décisions dévastatrices pour l’économie et les entreprises : loi Florange, loi Hamon instituant la consultation préalable des salariés pour la cession des PME, introduction de l’action de groupe, pénalisation de l’apprentissage et des stages, interventionnisme étatique et menaces de contrôle fiscal à l’encontre des entrepreneurs…
Enfin, le pacte se trouve en apesanteur politique. Le président de la République multiplie les signaux contradictoires, renouant à l’occasion de la visite de Matteo Renzi avec la tentation d’une relance des dépenses publiques et d’une sainte alliance de l’Europe du Sud contre l’austérité. Le gouvernement Ayrault est plus que jamais en coma dépassé et ne doit de survivre qu’à sa faiblesse et à ses échecs, censés masquer ceux du chef de l’État. La majorité se divise et les syndicats cherchent à mobiliser contre les réformes.
François Hollande va jouer le destin de son quinquennat dans les jours qui suivront le second tour des élections municipales. Son choix tranchera la dernière chance pour la France de se réformer d’elle-même plutôt que d’être restructurée de l’extérieur par la troïka composée du FMI, de la Commission européenne et de la BCE.
Le temps des petits arrangements et des demi-mesures est passé. Soit François Hollande confirme le tournant de la compétitivité, assume un cap réformiste, renouvelle entièrement le gouvernement, et il peut devenir le président de la modernisation du modèle français. Soit François Hollande échine le fil de ses non-réformes, il se contente d’un mercato gouvernemental a minima, et il achève de ruiner le peu de crédit qui lui reste auprès des Français, des responsables économiques, des marchés financiers et de nos partenaires européens. La France subira alors un choc sur sa dette qui exigera un plan de sauvetage avec pour corollaire sa mise sous tutelle. François Hollande et la gauche porteraient la responsabilité non seulement de la ruine de notre économie et de la faillite de l’État, mais de l’aliénation de la souveraineté nationale et du cycle de violence politique qu’elle ouvrirait.
(Chronique parue dans Le Figaro du 24 mars 2014)