En Europe, l’hexagone fait office d’exception. Le déclassement français n’est pourtant pas une fatalité.
Le rapport de la Cnuced sur les investissements directs étrangers publié le 29 janvier dernier confirme la reprise mondiale. Les flux d’investissement ont progressé de 11 % en 2013, retrouvant leur niveau d’avant la crise avec le redressement de la croissance (3,7 %) et du commerce international (4,1 %). Les flux de capitaux soulignent également le sursaut du monde développé : les pays émergents continuent à les attirer en majorité (52 %), mais le Nord redevient compétitif. Les États-Unis demeurent le premier pays d’accueil avec 159 milliards de dollars, devant la Chine (127 milliards) et la Russie (94 milliards) ; dans le même temps, l’Europe sort du marasme avec une hausse de 37,7 % qui culmine en Allemagne où les investissements ont quadruplé (+ 392 %).
Dans ce contexte favorable aux pays développés et à l’Europe, qui bénéficient désormais de la rotation des capitaux entre les pôles de la mondialisation, la France fait exception : elle enregistre la plus mauvaise performance mondiale avec un effondrement de 77 % des investissements étrangers qui ont été réduits à 5,7 milliards de dollars. Cet étiage marque un point bas historique par rapport à l’avant-crise (70,7 milliards d’euros) et une diminution de 22 milliards de dollars depuis 2012, qui laisse notre pays loin derrière l’Italie (9,9 milliards) et l’Espagne (37,1 milliards). De plus, la majorité des flux entrant dans l’Hexagone est orientée vers le secteur immobilier tandis que l’industrie, les services et la finance connaissent des retraits massifs.
La ligne de partage ne s’établit plus, comme dans la dernière décennie, entre le monde développé en crise et le monde émergent triomphant, mais entre les pays capables de se réformer et les autres. La France constitue désormais une anomalie par la stagnation de l’activité (0,9 %, contre 1,8 % en Allemagne, 2,4 % au Royaume-Uni et 2,8 % aux États-Unis en 2014), l’enfermement dans le chômage permanent (11 % de la population active contre 5 % en Allemagne, 7 % au Royaume-Uni et 6 % aux États-Unis), la course folle des recettes et des dépenses publiques (53 % et 57 % du PIB). Ce triple échec est la conséquence directe de la politique mise en œuvre depuis 2012, fondée sur la rupture avec l’entreprise, sur une répression financière débridée, qui conduit à une rentabilité négative du capital, sur un choc fiscal de 3,5 % du PIB, qui a provoqué un exil sans précédent des capitaux et des talents, des centres de décision et du travail hautement qualifié.
Sous un masque social-démocrate, la politique mise en œuvre par François Hollande entre mai 2012 et janvier 2014 a isolé la France de manière plus dramatique encore que la relance à contre-courant et les nationalisations décidées par François Mitterrand en 1981. Notre pays est devenu un repoussoir universel au point que la présence ou l’exercice d’une activité en France constituent des handicaps rédhibitoires vis-à-vis des marchés et des investisseurs. Voilà pourquoi les groupes mondialisés réduisent systématiquement leur exposition au risque français, via des coupes dans leurs activités, leurs investissements et leurs emplois. Partout dans le monde, le message des dirigeants se résume à un principe simple : « Tout sauf la France. »
Dans une économie ouverte, les conséquences sont aussi immédiates que ravageuses. La désintégration du tissu productif s’emballe dans l’industrie qui est en danger de mort, avec la fermeture de 283 fermetures d’usines qui va de pair avec la chute de 28 % des créations de sites à leur plus bas niveau (139 ouvertures). L’investissement a reculé de 7 % en 2013 du fait de l’insuffisance de l’autofinancement (75 % contre 125 % en Allemagne), ce qui amplifie l’obsolescence de l’appareil de production : la France n’aligne que 33 000 robots contre 58 600 en Italie et 165 800 en Allemagne. Enfin, pour la première fois, la France a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créés dans la recherche et le développement, avec un recul accentué dans les secteurs stratégiques de l’informatique ou de la santé. Schumpeter a mis au cœur du capitalisme le mécanisme de la destruction créatrice. François Hollande a inventé la destruction destructrice.
Ces évolutions donnent la mesure du déclassement français. Il faut à tout prix renverser le rapport de la France à l’Europe et au monde en restaurant son image et sa marque, ce qui implique l’arrêt de la démagogie hostile à l’entreprise et au marché. La priorité absolue doit être donnée à la production, à l’investissement et à l’innovation via l’augmentation rapide du taux de marge et de l’autofinancement des entreprises. Ceci passe par la réhabilitation du travail et du capital, indissociable de la normalisation d’une fiscalité confiscatoire. Quant à l’euthanasie programmée du capital, elle ne tue pas les riches qui s’exilent, mais entreprises, investissements et emplois qui tentent de survivre sur le territoire national.
(Chronique parue dans Le Figaro du 03 février 2014)