Comment valoriser ses atouts et s’arrimer aux trois sources de la croissance au XXIe siècle.
La croissance est le seul antidote efficace contre le chômage et le surendettement. Or, en France, elle a reculé de 1 point par décennie depuis 1970, où elle atteignait 4,2 %, s’établissant à 3 % dans les années 80, 2 % dans les années 90, 1 % dans les années 2000. Sous la récession de 2013 pointe désormais le risque d’une décennie de croissance zéro. La décroissance française ne découle pas de l’éclatement de l’économie de bulle à partir de 2007, mais d’un modèle insoutenable fondé sur la consommation au détriment de l’investissement et des exportations, ainsi que sur la dépense publique, qui augmente plus vite que la dépense privée depuis 1987. Depuis trois décennies, l’étatisme, le corporatisme et le malthusianisme sont les trois mamelles du déclin français. Avec pour conséquence le rétrécissement de la base productive, étouffée par la montée de la redistribution et bloquée par la chute de la productivité, qui a diminué de 0,9 % par an depuis 2008, contre des gains de 1,5 % par an dans les pays développés et de 1,6 % en Allemagne.
La décroissance française souligne la grande illusion qui préside aux prévisions économiques du gouvernement, tablant sur une progression de l’activité de 1,2 % en 2014 et de 2 % à partir de 2015. La croissance potentielle de l’économie française se trouve réduite à 0,7 % par an. Elle est bridée par la rupture du financement des entreprises par les investisseurs étrangers, en recul de 35 % en 2012, tant notre pays est marginalisé du fait de sa fiscalité confiscatoire, de son droit du travail et de l’absence d’État de droit économique.
Loin de nous relancer, la reprise européenne qui se dessinera à partir de 2015 bénéficiera en priorité aux pays compétitifs, à savoir l’Allemagne en raison de la qualité de ses produits et de ses marques, l’Italie et l’Espagne en raison de la baisse de leurs prix et de l’amélioration de leur productivité grâce aux réformes.
Au lieu de faire de la mondialisation ou de la Commission européenne les boucs émissaires de ses défaillances, il est temps que la France remette la croissance au coeur de sa politique. La croissance n’est pas donnée mais créée par le travail des hommes. La croissance ne se décrète pas mais elle se construit, à l’image des États-Unis, qui ont su se repositionner grâce aux gains de productivité, à la réindustrialisation permise par les hydrocarbures non conventionnels, à la restructuration du secteur financier et budgétaire favorable à l’activité et à l’emploi.
La France doit rompre avec le refus de la modernité et le repli pour se réarrimer aux trois sources de la croissance du XXIe siècle. La demande sera portée par les nouvelles classes moyennes des pays émergents, qui assureront les trois quarts de la croissance. Les technologies de la communication et l’économie verte, rendue indispensable par l’augmentation de la population et par le réchauffement climatique, constituent un second moteur pour l’activité. Enfin, l’économie de la connaissance alimentera les gains de productivité dans les services. Le protectionnisme doit donc céder devant l’ouverture à la concurrence, la relance du grand marché européen et le libre-échange. L’aversion pour le risque et pour le progrès scientifique doit être renversée par la déconstitutionnalisation du principe de précaution. L’euthanasie du travail doit s’effacer devant la préférence pour l’emploi.
La priorité va à la production et à la compétitivité, ce qui passe par le choix de l’entreprise. La croissance et l’emploi ne peuvent désormais être générés que par le secteur privé. Le point de départ du redressement réside donc dans le relèvement du taux de marge des entreprises, aujourd’hui réduit à 27 %, grâce à la diminution des impôts et des charges sur le travail. Les secteurs protégés et le marché du travail ont vocation à être libéralisés. La décrue et la réorientation de la dépense publique vers l’investissement et l’innovation doivent passer du discours à la réalité.
Contrairement à l’Allemagne, avec l’industrie, ou au Royaume-Uni, avec la City, la France ne dispose pas d’une forte spécialisation. Pour être diversifiée, son économie dispose cependant d’atouts majeurs : une démographie dynamique, une main-d’œuvre pour partie qualifiée et productive, une épargne abondante, d’excellentes infrastructures, des pôles d’excellence publics et privés. Il existe une marque France qui reste forte dans certains secteurs tels que le luxe, l’aéronautique, l’agroalimentaire, les services financiers, le tourisme. Cette marque doit être redéveloppée dans tous les secteurs : agriculture, industrie, services, place financière de Paris, tourisme.
À l’égal des pays développés, la France bénéficie d’un avantage décisif pour se réformer et relancer la croissance : son capital. Capital financier avec l’épargne des ménages et des entreprises. Capital humain avec ses talents et ses cerveaux trop souvent contraints à l’exil. Capital environnemental avec ses paysages et son climat. Capital architectural, culturel et artistique. Capital immatériel avec son histoire et sa civilisation. Après avoir détruit les revenus avec la croissance zéro fabriquée par la hausse des prélèvements et le foisonnement exubérant des réglementations, la course folle des impôts et des dépenses publiques détruit le capital de la France et des Français. Le retour à la croissance passe au contraire par la mobilisation et la valorisation de ce formidable capital productif.
(Chronique parue dans Le Point du 04 juillet 2013)