Maillon faible de la mondialisation, l’Europe doit lancer une nouvelle donne. Rien ne se fera sans la France.
La zone euro est plus que jamais le maillon faible de la mondialisation. La crise financière et bancaire couve, comme le montrent l’implosion de Chypre, les difficultés de la Slovénie, la fragilité des bilans bancaires soulignée par la BCE. L’enlisement dans la récession (- 0,6 % en 2013) et le chômage de masse (12,1 % de la population active) contrastent avec la reprise des États-Unis (+ 2 % avec un taux de chômage revenu à 7,5 %), les premiers signes de sortie de déflation du Japon (croissance de 1,6 %) et de redressement du Royaume-Uni (croissance de 0,8 %). Les tensions politiques s’exacerbent sous la pression des populismes, de l’hostilité croissante à l’intégration européenne, de la germanophobie. La zone euro est ainsi devenue une menace pour la reprise mondiale, pour l’Europe, voire pour la stabilité des démocraties.
Au principe de cette dérive européenne, on trouve le déséquilibre originel du traité de Maastricht entre une monnaie fédérale et l’absence d’union économique et politique, la généralisation du modèle de la croissance à crédit dans l’Europe du Sud, enfin la multiplication des erreurs dans la gestion de la crise des dettes souveraines. Erreur de diagnostic qui s’est portée sur la liquidité et non pas sur la solvabilité, sur les comptes publics et non pas sur les déficits des balances des paiements. Erreur stratégique avec la priorité accordée à l’ajustement budgétaire au détriment des réformes structurelles. Erreur d’exécution avec des interventions trop faibles, trop tardives et trop peu coordonnées.
La reprise des États-Unis, si elle a été facilitée par le statut du dollar, s’explique avant tout par la cohérence d’une politique économique associant un assouplissement monétaire maximal (taux zéro, chute du dollar, mesures de politique monétaires non conventionnelles dites « quantitative easing »), le désendettement des ménages et la recapitalisation des banques au prix du report de l’ajustement budgétaire, enfin un gigantesque effort en matière de productivité du travail, de coût de l’énergie, d’investissement dans l’innovation. Les États-Unis ont transformé leur modèle économique en le rebasculant vers l’offre, redevenant le pays le plus compétitif du monde.
D’où l’urgence d’une nouvelle donne européenne donnant la priorité à la croissance et à la lutte contre le chômage. Ce tournant stratégique, initié par Mario Draghi à la tête de la BCE, s’accélère sous l’impulsion de l’Allemagne, inquiète de la dégradation de la situation économique, sociale et politique de la zone euro. Elle s’organise autour de six axes. L’assouplissement monétaire avec la conversion de la BCE aux taux d’intérêt négatifs, à la baisse de l’euro dans un contexte de guerre des monnaies, à des achats d’actifs massifs et non stérilisés rendus possibles par la disparition de l’inflation. La création de facto d’une union de transferts à travers le mécanisme européen de solidarité et la politique de reflation conduite par l’Allemagne avec des hausses de salaire de 6 % par an. L’allongement de deux à trois ans selon les pays de l’ajustement budgétaire. L’accélération des réformes structurelles concernant la compétitivité des entreprises, la libéralisation du marché du travail, la concurrence dans les services. La mise en place d’une union bancaire couplée à la recapitalisation des banques. Enfin, la lutte contre le chômage qui touche 24 % des jeunes.L’Allemagne joue un rôle clé dans ce New Deal européen. Pour sauver l’euro, elle a accepté la révision des principes du traité de Maastricht et conduit une stratégie de reflation résolument coopérative. Dans le même temps, elle a relancé l’union politique. Pour autant, l’Allemagne ne peut réassurer seule la monnaie européenne.
C’est donc la France qui tient aujourd’hui le destin du New Deal européen entre ses mains. Car c’est la France qui représente la première menace pour l’euro en raison de la désintégration de son économie, du risque d’une attaque sur sa dette publique, d’une stratégie non coopérative fondée sur la préservation d’un modèle économique et social insoutenable. New Deal européen et réforme du modèle français sont donc indissociables.
L’Union européenne et le FMI, la Cour des comptes et la Banque de France aboutissent à des conclusions et des recommandations identiques. Soit la France continue à refuser ou reporter les réformes et elle va à la ruine, et l’euro avec elle. Soit la France se modernise autour de six chantiers bien identifiés.
- La compétitivité des entreprises à travers une diminution inconditionnelle des impôts et des charges.
- Le soutien à l’investissement et à l’innovation.
- La flexibilité et la baisse du coût du travail.
- L’ouverture des secteurs protégés.
- Le démantèlement de l’hyper-réglementation et de la fiscalité confiscatoire qui bloquent l’activité.
- La diminution des dépenses publiques grâce à la restructuration de l’État et à la refondation de la protection sociale. Soit la France continue à se replier sur son territoire et son exception. Soit elle s’engage dans une Europe politique qui constitue la garantie pour la survie de l’euro mais qui implique des transferts de souveraineté assumés vers les institutions européennes. Le choix, c’est maintenant.
(Chronique parue dans Le Figaro du 03 juin 2013)