En tout juste un an, le bilan de François Hollande est aux antipodes du « Moi, président ».
Le 2 mai 2012, François Hollande exposait face à Nicolas Sarkozy le projet qu’il se fixait comme président de la République. Qu’en est-il un an après son élection ? Moi, président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires à l’Élysée, je ne traiterai pas mon premier ministre de collaborateur.
Moi, président de la République, j’ai transformé l’État en bateau ivre. L’indécision et le double langage servent de cap au sommet de l’État, acceptant la rigueur à Bruxelles et la fustigeant à Paris, déclarant la guerre à la finance et flattant les marchés qui financent les deux tiers de la dette publique, taxant le capital et le travail de manière confiscatoire avant de chercher à me réconcilier avec l’entreprise, relançant tout à la fois la dépense publique et les économies. Je n’ai pas de collaborateurs car j’ai dissous les fonctions de premier ministre et de premier secrétaire du Parti socialiste en les confiant à des personnalités transparentes. J’ai ravalé le gouvernement en congrès du Parti socialiste où les factions s’affrontent ouvertement et où chacun a pour règle de servir ses seuls intérêts au mépris de ceux de la nation. Au sein des institutions, seul subsiste le groupe parlementaire socialiste dont la rébellion anarchique tient lieu de guide à l’action des pouvoirs publics et justifie la réception régulière de ses membres au Palais de l’Élysée.
Moi, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres qui ne pourraient pas rentrer dans un conflit d’intérêts.
Moi, président de la République, j’ai nommé un fraudeur patenté et reconnu à la tête du Budget pour mettre en oeuvre un choc fiscal qui a conduit l’économie française à la récession et poussé à l’exil des milliers d’entrepreneurs et de talents. Puis j’ai mis en oeuvre un principe démagogique d’interdiction d’activités et de publicité des patrimoines qui crée un monopole de fait des fonctionnaires pour exercer les fonctions électives.
Moi, je ne nommerai personne sans que les commissions parlementaires en décident à la majorité des deux tiers, ce qui veut dire que l’opposition sera directement associée.
Moi, président de la République, j’ai recouru à un spoil system systématique et nommé mes camarades de la promotion Voltaire à tous les postes clés de l’État et des entreprises publiques.
Moi, je serai le président du redressement de la production, de l’emploi et de la croissance.
Moi, président de la République, j’ai fait basculer l’économie française du déclin relatif au déclin absolu en m’enfermant dans le déni de la crise. La croissance qui devait être comprise entre 1,7 % et 2,5 % par an s’est transformée en récession sous l’impact du choc fiscal de 2 % du PIB. Tous les moteurs de l’activité sont inversés avec le recul simultané de la consommation sous l’effet de la baisse historique du pouvoir d’achat (0,4 %), de l’investissement (- 3 %) et des exportations. Le taux de marge des entreprises est au plus bas (28 %) tandis que les faillites explosent. Loin de s’inverser, la courbe du chômage ne cesse d’accélérer, battant le record de 1997 avec 3,22 millions de chômeurs de catégorie A et 5,35 demandeurs d’emploi. Le déficit public atteindra 4 % du PIB en 2013 au lieu de 3 % et la dette qui devait être contenue à 90 % du PIB s’envolera jusqu’à 95 % à fin 2014. En bref, j’ai durablement installé l’économie française dans la déflation en raison de la hausse démesurée des recettes publiques pour garantir la fuite en avant des dépenses sociales.
Moi, j’ai proposé un programme en quatre points pour la relance de la croissance dans la zone euro. Moi, président de la République, j’ai accepté de ratifier le traité budgétaire européen que je n’avais cessé de dénoncer en échange d’un pacte de croissance virtuel, avant de me rallier au projet de budget négocié entre l’Allemagne et le Royaume-Uni qui prévoit une baisse de 3 % des dépenses de l’Union concentrée sur les infrastructures, l’investissement et l’innovation. Cette alliance germano-britannique est la conséquence directe de la rupture du couple franco-allemand provoquée par la dénonciation de l’hégémonie de Berlin comme bouc émissaire de la débâcle française et du repositionnement de la France comme tête de file d’une improbable ligue de l’Europe du Sud contre l’austérité. Avec pour résultat la relance de la crise de l’euro ainsi que la divergence vertigineuse entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, l’activité, les investissements, les jeunes et les emplois, les excédents budgétaires et commerciaux s’amoncelant au nord, la récession, la désindustrialisation et le chômage, le double déficit commercial et public s’emballant au Sud.
Moi, je veux aussi être le président du rassemblement.
Moi, président de la République, je n’ai cessé de cultiver la haine et le ressentiment contre les riches, la finance ou l’Allemagne, réhabilitant la lutte des classes et la germanophobie. J’ai profondément divisé la nation en déstabilisant la famille et contraint à l’exil des milliers de jeunes condamnés au chômage et à l’exclusion. J’ai divisé l’Europe et marginalisé la France dans le monde du fait de son déclin économique et social. À l’exception de la guerre du Mali qui constitue le seul succès de cette première année de mandat, ce qui n’a pas empêché une précarisation historique des effectifs, de l’appareil industriel et des ressources financières de la défense nationale (179 milliards de 2014 à 2019 dont 6,2 milliards de recettes exceptionnelles qui restent indéterminées à ce jour).
Moi, président de la République, c’est finalement le seul véritable objectif et tout le programme de mon quinquennat.
(Chronique parue dans Le Figaro du 06 mai 2013)