L’économie française est au bord de la rupture. Que l’Allemagne soit intransigeante !
Bernanos rappelait qu’un « seul mensonge fait plus de bruit que cent vérités ». Moins d’un an aura suffi pour que la Cour des comptes pulvérise les hypothèses de croissance de 0,8 % et de déficit de 3 % du PIB en 2013 que le gouvernement avait érigés en objectifs centraux de son action. Par là même se trouvent réduites à néant les illusions sur lesquelles François Hollande a fondé sa campagne présidentielle puis sa politique économique. La crise de l’euro n’est certainement pas derrière nous, au moment où la récession s’intensifie, où le chômage explose, où la fragmentation financière et l’euro fort renforcent les risques d’un nouveau choc sur les dettes publiques. La croissance n’est pas au coin de la rue pour la France, qui est le seul des grands pays européens dont le décrochage s’accroît. Le choix d’un choc fiscal de 2 % du PIB concentré sur les entreprises et de la sanctuarisation des dépenses publiques -relancées par le retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues, l’embauche de 60 000 professeurs, la hausse du salaire minimum et du RSA- ne permettra pas de rétablir les finances publiques. En revanche, il va faire basculer la France dans la récession en 2013, tout en minant son potentiel de développement en raison du blocage du financement de l’investissement et surtout de l’exil massif des dirigeants d’entreprise et des entrepreneurs, des centres de décision et des capitaux.
Les faits sont têtus. L’économie française se trouve désormais au bord de la rupture en raison de l’effondrement de son appareil de production. La croissance est nulle depuis le printemps 2011. La production industrielle a chuté de 16 % depuis 2008, entraînant la fermeture de 1 087 usines et la suppression de plus de 200 000 emplois. Les mises en chantier de logements neufs sont à leur plus bas avec 346 500 opérations, soit un recul de 30 % par rapport au dernier trimestre de 2011, tandis que s’affirme un krach de l’investissement locatif, en recul de 42 % sur un an. Le nombre de faillites d’entreprises culmine à 61 000 et continue à progresser. Il en résulte une nouvelle perte nette de 70 000 postes de travail.
La France est aujourd’hui enfermée dans une spirale déflationniste marquée par la baisse cumulative de l’activité et de l’investissement, de l’emploi et des revenus. Elle est happée par l’engrenage de la paupérisation avec une hausse de sa population de 1,4 million depuis quatre ans qui contraste avec un recul du PIB de 1 % – à comparer avec une hausse de 3 % aux États-Unis et de 2 % en Allemagne. Le revenu par habitant a ainsi décroché de 15 % depuis 2009 par rapport à la moyenne des pays développés.
Ni la croissance zéro, ni l’effondrement des marges des entreprises, ni la désindustrialisation, ni le chômage de masse ne datent de l’élection de François Hollande. Mais sa responsabilité est entière dans la rupture actuelle de l’appareil de production en raison du quadruple choc qu’il a infligé aux entreprises : choc fiscal de 1,2 % du PIB ; choc financier avec l’arrêt des financements privés au bénéfice de la Banque publique d’investissement ; choc économique de la récession ; choc politique de la guerre lancée non pas contre la finance mais contre l’entreprise.
Comme en 1981, la France se retrouve totalement isolée. Avec le crédit d’impôt compétitivité et l’accord sur une flexibilité défensive de l’emploi face à l’envolée du chômage, Hollande a certes introduit une dimension favorable à l’offre dans une politique tout entière conçue pour soutenir la demande à travers la poursuite de la dépense et la pénalisation de l’épargne par une fiscalité confiscatoire. Mais cela est de peu de poids face à la mise en quarantaine de la France par les investisseurs déclenchée par l’envolée de la fiscalité et par la multiplication des déclarations concernant les nationalisations et les cessions forcées d’entreprise ou les réquisitions de biens immobiliers.
La France de François Hollande est seule. Seule à poursuivre l’augmentation de ses coûts de production. Seule à abaisser l’âge de la retraite quand tous les pays développés l’ont porté entre 65 et 69 ans. Seule à taxer le capital – vital pour l’investissement et l’innovation – nettement plus que le travail. Seule à organiser l’exil de son capital humain et de ses entreprises. Seule à refuser toute réforme structurelle, à commencer par les coupes dans les 1 118 milliards d’euros de dépenses publiques – soit 56,6 % du PIB. Seule à promouvoir le socialisme de marché, basé sur l’éradication du capital et des capitalistes. Cette stratégie suicidaire marginalise notre pays vis-à-vis du monde développé comme auprès de nos partenaires européens. Tous s’inquiètent des risques élevés de choc sur la dette publique, avec pour premier effet une nouvelle déstabilisation de la zone euro. Et la décomposition du couple franco-allemand, qui laisse le champ libre à la diplomatie britannique, n’est que la conséquence du choix économique français d’une décroissance via la préférence pour le chômage et l’impôt.
La France, pays du sud de l’Europe par ses performances, sans les réformes du Sud mais avec des taux d’intérêt proches du nord de l’Europe, est plus que jamais une bombe à retardement au cœur de la zone euro. Le meilleur service que puissent lui rendre l’Allemagne comme nos partenaires européens consiste à faire preuve d’une intransigeance absolue face à la folle dérive de ses déficits. Non en se battant sur le maintien de l’objectif de 3 % de déficit public en 2013, qui peut être reporté. Mais en exigeant la réalisation des réformes en matière de flexibilité et de baisse du coût du travail, de démantèlement de la fiscalité confiscatoire, de baisse des dépenses publiques, notamment sociales. Il revient désormais à l’Europe d’imposer les réformes que, pour le déshonneur de ses citoyens et de sa classe politique, la France s’est constamment refusée à entreprendre et dont l’absence fait désormais peser sur elle comme sur l’euro une menace fatale. Et il revient à François Hollande d’assumer politiquement ces réformes contraintes en désarmant la violence sociale que la démagogie de sa campagne et de certains de ses ministres a libérée.
(Chronique parue dans Le Point du 21 février 2013)