Le budget 2013 marque plus qu’un choc ; une révolution fiscale dont témoigne la révolte des Pigeons.
Les Pigeons, une révolte qui mobilise les entrepreneurs contre le triplement de la taxation des plus values. L’ampleur et le caractère systématique des hausses d’impôts vont bouleverser durablement l’économie et la société. Loin de frapper les rentes, elles ruinent la production. Du côté des entreprises, le taux d’imposition des bénéfices atteint 36,1 % auxquels s’ajoutent la taxation des plus-values portée à 64,5 % en cas de cession. Du côté des ménages se superposent quatre impôts sur le revenu avec la CSG-CRDS proportionnelle, l’impôt sur le revenu, la contribution exceptionnelle et la tranche à 75 % applicable dès 2012 : la charge fiscale et sociale des foyers concernés atteindra au minimum 60 % de leur revenu – hors imposition du patrimoine. L’épargne est désormais plus taxée que le travail avec des taux moyens de 46,5 % pour les dividendes et 64,5 % pour les intérêts, ce qui correspond à un prélèvement confiscatoire en tenant compte de l’inflation. Il en va de même pour l’ISF, dont le taux est relevé à 1,5 %, ce qui implique une amputation des patrimoines, compte tenu du niveau actuel des rendements, de l’érosion monétaire et des prélèvements sociaux. Enfin, les successions, après avoir supporté l’impôt sur le revenu, sur l’épargne et sur la fortune, seront taxées jusqu’à 45 %. Seule la consommation est préservée avec un taux d’imposition de 19 % contre 21,5 % dans l’Union et 20 % en Allemagne.
A l’heure où les nations luttent pour attirer les talents et les cerveaux, les entreprises et les capitaux afin de réindustrialiser, d’innover, de lutter contre le chômage et de désendetter les États, la France organise l’exil massif de son capital humain et de son patrimoine productif. L’ISF s’était déjà révélé ruineux pour l’économie et pour les finances publiques, entraînant le départ de 10 000 contribuables fortunés, la perte de 250 milliards d’euros de capital productif et de plus de 10 milliards de recettes fiscales annuelles. À l’exception de l’Espagne, qui l’a rétabli provisoirement, la France reste le seul pays de l’Union disposant d’un impôt sur la fortune. Or, au moment où la fiscalité explose en France, elle diminue en Allemagne et au Royaume-Uni, qui a décidé de ramener l’impôt sur les sociétés à 24% en 2012, 23% en 2013, 22% en 2014, puis 20% audelà. La conséquence directe de ce grand écart est le changement d’échelle et surtout de la sociologie des exils fiscaux depuis le printemps dernier. Après les grandes fortunes et les chefs d’entreprise s’affirme un véritable exode de cadres, de professions libérales et de jeunes entrepreneurs, qui va parfois de pair avec l’abandon de la nationalité française. Parallèlement, les fonctions stratégiques et les centres de décision des grands groupes se délocalisent. La France réédite ainsi l’erreur tragique commise par Louis XIV en 1685 avec la révocation de l’édit de Nantes, qui contraignit à l’exil 300 000 protestants, faisant ainsi la fortune de Londres, Berlin, Amsterdam, Genève et même du Cap.
Les hollandonomics organisent une économie collectiviste de marché. François Hollande fait ce qu’Arthur Laffer avait rêvé à travers sa théorisation du principe selon lequel trop d’impôt tue l’impôt : la mise en place d’une fiscalité confiscatoire va effondrer l’activité et tarir les recettes fiscales. L’euthanasie de la production, du travail et de l’épargne finira par rattraper la consommation des ménages, dont la sanctuarisation est toute provisoire. Plus fondamentalement, cette révolution fiscale marque un changement radical pour l’économie et la société. Elle fait de la France la seule économie de marché où le capital est taxé à plus de 100 %. La seule nation où l’État supprime aux classes moyennes – frappées de plein fouet par la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, le plafonnement du quotient familial et la suppression des exonérations pour les petits porteurs – toute capacité d’épargne si elles souhaitent maintenir leur niveau de vie. Le seul pays au monde où l’État est un associé dormant dans chaque entreprise qui ne prend aucune risque, mais prélève 36,1 % des profits chaque année et 64,5 % de la richesse créée. La seule démocratie où la propriété privée se trouve réduite à un simple démembrement d’un droit de propriété public universel. En instaurant une fiscalité confiscatoire, l’État acte qu’il est le seul détenteur de l’ensemble du patrimoine de la nation ; tous les Français ne disposent que d’un viager sur les biens qu’ils croient posséder, alors qu’ils doivent acquitter une soulte annuelle qui ampute leur valeur pour avoir le droit de les conserver.
La mise en place d’une fiscalité confiscatoire va non seulement plonger l’économie dans la récession, mais remet en question l’État de droit et la citoyenneté. Sur le plan juridique, la constitutionnalité de taux de prélèvement économiques supérieurs à 100 % sur l’épargne et le patrimoine est exclue dans toutes les autres démocraties. Sur le plan politique et moral, le choc fiscal est accompagné jusqu’au sommet de l’État d’un discours qui exclut les entrepreneurs et les créateurs de richesse de la communauté nationale. Tout citoyen doit contribuer aux charges de la nation mais non pas accepter de se ruiner pour elle en pure perte.
(Chronique parue dans Le Point du 18 octobre 2012)